L’intérêt des Européens pour les élections américaines est relativement récent et s’est appuyé à tort sur une lecture faussée de la réalité politique outre-Atlantique en voulant y plaquer une lecture européenne. L’évolution actuelle montre une meilleure compréhension des enjeux à venir.
Les Européens face aux élections américaines : perspectives historiques
Europeans Facing American Elections: Historical Perspectives
The interest of Europeans in the American elections is relatively recent and is mistakenly supported by a distorted reading of the political reality across the Atlantic, with the desire to impose a European readership on it. Current evolution shows a better comprehension of issues to come.
Les Européens n’envisagent pas les États-Unis objectivement, ils projettent leurs utopies sur eux. Et ce, dès la Révolution américaine : elle a paru à beaucoup de contemporains réaliser politiquement les Lumières (Friedrich von Gentz, le conseiller de Metternich et le véritable architecte des traités de Vienne, revient souvent sur cette idée, qui a été reprise de façon éclatante par Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique) (1).
Jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, une grande indifférence
Ceci dit, cela ne s’est pas traduit tout de suite par un intérêt particulier pour les Présidents américains et leur élection. Cela commença à changer avec l’irruption des États-Unis sur la scène mondiale à partir de leur victoire sur l’Espagne en 1898 et avec Theodore Roosevelt (Président de 1901 à 1909) (2). Mais la grande césure fut l’expérience de la Première Guerre mondiale (3) et la présidence de Wilson, dont le programme des « Quatorze Points » fut accueilli avec un engouement incontestable de la part des opinions publiques dans les deux camps, car il était le seul à ouvrir une perspective internationale pour tous les peuples, vainqueurs ou vaincus (4). En même temps, Wilson fut très vite l’objet de critiques en sens contraire : pour la gauche, il avait condamné par avance la paix en reniant ses idéaux sous la pression des retors dirigeants alliés. Et pour certains progressistes, en prenant la tête de l’antisoviétisme et de l’opposition à Lénine (5). Pour la droite, il avait au contraire compromis la paix en forçant les Européens à abandonner les vieilles et sages méthodes de l’équilibre et du concert européens (6). Et beaucoup avaient souligné très tôt que derrière le paravent des idéaux démocratique les Américains poursuivaient en fait une certaine forme d’impérialisme (7).
Cette ambivalence fut aggravée après la Première Guerre mondiale, avec certes la poursuite chez beaucoup d’Européens de la fascination pour les États-Unis mais aussi l’apparition de l’antiaméricanisme, bien présent dès les années 1930, à la fois à gauche (par anticapitalisme et antilibéralisme) et à droite (par refus de l’uniformisation démocratique). La politique américaine dans les années 1930, certainement interventionniste pour défendre durement ses intérêts financiers et commerciaux en Europe, mais jugée par beaucoup isolationniste dès qu’il s’agissait de s’engager peu ou prou dans la sécurité du Vieux Continent, a beaucoup contribué à cette polarisation (8).
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