L’affaire de Suez est révélatrice des divergences d’appréciation de la situation entre tous les acteurs. Entre Paris et Londres, les objectifs politiques et militaires étaient différents. Dès lors, l’échec était inéluctable d’autant plus que l’environnement international avait changé depuis 1945 au détriment des anciennes puissances.
Suez 1956 : tout ce qu’il ne faut pas faire !
Suez 1956: all that one should not do!
The affair of Suez has revealed the different judgments among all the actors. Between Paris and London, the political and military objectives were different. From then on, the failure was inevitable especially as the international context had changed since 1945 to the detriment of the old powers.
La participation française aux opérations de 1956 a été, sur le plan militaire, un succès. Mais un succès limité par l’organisation très complexe du commandement commun franco-britannique, qui n’a pas fonctionné correctement, ce qui a ralenti le rythme des opérations. Or, la vitesse était essentielle, face à l’opposition internationale. Mais le plus grave se situait au niveau politico-stratégique (1).
En effet, la France s’est engagée dans l’affaire de Suez sans savoir exactement ce qu’elle voulait, ou plus exactement sans que les autorités politiques et militaires soient d’accord sur les objectifs à atteindre. Les diplomates ont été à peu près complètement court-circuités, les services secrets nuls et même nocifs. Le grand allié, les États-Unis, était contre, l’allié dans la crise, la Grande-Bretagne, fort hésitant. Quant à l’URSS, son attitude, pourtant cruciale, a été évaluée dans un mélange d’ignorance, d’incompréhension, de bricolage et de cynisme. En ce qui concerne Israël, les engagements pris pour l’amener à participer à une opération jugée à Tel-Aviv fort dangereuse pèsent encore aujourd’hui sur la crise du Moyen-Orient.
Les conséquences de l’opération ont été considérables : la ruine des positions historiques de la France au Moyen-Orient, l’aggravation de ses difficultés en Algérie, l’arrivée des États-Unis au premier plan dans la région et la rivalité américano-soviétique sur place, avec la mise à l’écart des anciennes puissances impériales. La Grande-Bretagne en tira les conséquences en décidant de se rapprocher encore plus de Washington. La France fit le choix inverse : le retour à l’indépendance nationale, l’accélération de son programme nucléaire, une relance européenne conduisant aux traités de Rome de 1957. Au fond, les orientations de la future Ve République sont en gestation dès Suez (2). Mais ce n’est pas tant sur les conséquences de Suez, bien connues, que sur les leçons que l’on peut tirer aujourd’hui de la gestion de la crise que je voudrais insister.
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