Le concept d’ultime avertissement est apparu dans la doctrine de la dissuasion française à partir des années 1980 en confirmant le caractère politico-stratégique de l’arme nucléaire. Alors que les menaces ont évolué, le discours français reste cohérent en vue de renforcer la posture dissuasive et maintenir une incertitude pour un adversaire potentiel.
Les mutations du concept d’ultime avertissement
The changes of the concept of final warning
The concept of final warning was brought up in the doctrine of French dissuasion from the 80s in confirming the political-strategical characteristic of the nuclear weapon. As the threats evolve, the French discourse remains coherent aiming to reinforce the dissuasive posture and to perpetuate a uncertainty for a potential adversary.
Réaffirmé dans tous les discours présidentiels sur la dissuasion nucléaire française depuis 1994 (1), le concept d’ultime avertissement (2), théorisé durant la guerre froide, face à un risque de guerre nucléaire et d’invasion soviétique, serait-il désormais périmé et sans doctrine d’emploi ?
Formulé pour la première fois, sous sa forme pure, par le Premier ministre Pierre Mauroy en 1981 (3), cet avertissement n’en porte pas encore le nom. Le chef du gouvernement déclare : « L’armement nucléaire tactique a pour vocation de restaurer la dissuasion au niveau stratégique. Son emploi signifierait la détermination du président de la République d’aller jusqu’aux extrêmes et de recourir, si besoin est, aux armements nucléaires anti-démographiques. Il ne s’agit donc pas d’utiliser l’armement nucléaire tactique pour gagner une bataille, mais de brandir, grâce à lui, de façon crédible, la menace nucléaire stratégique si un conflit armé devait être malgré tout déclenché par l’agresseur sur le théâtre européen ».
Quelques jours plus tard, une conférence du général Lacaze, chef d’état-major des Armées, découvre le terme d’ultime avertissement : « Notre concept d’emploi ou de non-emploi (…) consiste à envisager la menace ou l’emploi éventuel des armements nucléaires tactiques comme l’ultime avertissement qui serait adressé à l’agresseur avant l’utilisation des armements stratégiques, afin de l’amener à renoncer à son entreprise. Cela signifie qu’il faut que cet avertissement ait un effet militaire, c’est-à-dire qu’il soit efficace et brutal, ce qui conduit à un emploi relativement massif, donc limité dans le temps et dans l’espace. Mais il faut surtout que cet avertissement s’intègre bien dans la manœuvre dissuasive générale. Il ne peut donc être que du ressort de l’autorité politique la plus élevée qui conduit cette manœuvre dissuasive générale, et non pas être une prérogative du seul commandement militaire. Ce concept laisse ouvert un assez large éventail de schémas
possibles : combats préliminaires suivis d’entrée de jeu d’une frappe avec nos forces tactiques ou frappe précédée d’un combat classique d’une certaine durée, par exemple… Mais il exclut un certain nombre de solutions, telles que coup de semonce ou réponse graduée » (4).
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