Seemacht im 21. Jahrundert – Handbuch & Lexikon
Seemacht im 21. Jahrundert – Handbuch & Lexikon
L’intérêt premier du livre – La puissance navale au XXIe siècle – tient tout d’abord au parcours atypique de l’auteur : Nikolaus Scholik, né en 1945 à Vienne, un pays dont la parenthèse maritime s’est achevée par ailleurs il y a près d’un siècle, avec la perte de l’accès à l’Adriatique, en 1918, a choisi sur le tard de s’intéresser aux questions navales. Après une carrière dans l’industrie et l’édition, il consacre son doctorat à l’université de Vienne en 2012 à la problématique des choke points (dont est issu le chapitre 6 « Les détroits d’Ormuz et de Malacca »).
Le second intérêt réside dans sa volonté de proposer à un public germanophone non-spécialiste un manuel (Handbuch) à la fois complet et pédagogique sur les grands enjeux de la géopolitique navale contemporaine ainsi qu’un état des lieux des grandes puissances navales actuelles. L’ouvrage, servi par des cartes nombreuses et des schémas à la fois variés et didactiques, constitue un outil précieux pour les étudiants germanophones. À cet égard, le glossaire remarquable, couvrant un large éventail de concepts, technologies et systèmes d’armes donne au lecteur des clés utiles pour se familiariser avec le sujet.
Le livre est divisé en sept chapitres : le premier rappelle les fondements théoriques de la géopolitique des mers, brossant une synthèse rapide des pères fondateurs de la discipline (Mahan, Mearsheimer, Waltz…). Dans le deuxième chapitre sur les « Stratégies maritimes modernes », l’auteur choisit de se focaliser sur les deux protagonistes du « Grand jeu » stratégique du XXIe siècle : la Chine et les États-Unis, en considérant les autres acteurs traditionnels (Russie, France, Grande-Bretagne, Japon) comme des acteurs annexes sinon secondaires de la stratégie navale. Le chapitre 4 dresse une synthèse rapide des forces et faiblesses des principales puissances navales : concernant la marine russe, il souligne avec justesse que l’effort considérable de revalorisation entrepris depuis quinze ans ne suffit pas à en masquer les carences, tandis que les marines de l’UE (réduites à la Marine nationale et la Royal Navy) sont expédiées en cinq pages, ce qui peut sembler un peu court.
Les États-Unis et la Chine en revanche font l’objet d’une synthèse complète et précise au chapitre 5 : à la présentation des trois composantes de la présence navale américaine (US Coast Guards, USMC et US Navy), de leur organisation, de leur ordre de bataille et de leurs concepts d’emploi, répond une analyse brève mais dense des moyens et ambitions de la marine populaire chinoise (PLAN). On ne peut s’empêcher ici de relever quelques approximations, comme (p. 103) le fait que « la France s’efforce de vendre [à la Chine] des armements » de pointe.
Le dernier chapitre analyse l’impact des technologies navales sur la conduite des opérations navales et la domination technologique, principalement américaine à travers trois cas d’étude : le groupe aéronaval – dont la référence indépassable reste pour lui le Carrier Strike Group – les forces sous-marines et les drones (UUV, USV).
La tendance de Nikolaus Scholik – et c’est là, la limite de son étude – est de privilégier le prisme unique du modèle américain des opérations navales, ce qui le conduit par exemple à minorer, voire à dénier à d’autres acteurs (Russie, France) une réelle stratégie ou capacité de projection de force. Une approche plus critique de l’US Navy, donnant par exemple davantage d’échos aux débats souvent sans tabou aux États-Unis sur les programmes en cours, allant au-delà du discours parfois « marketing », aurait sans doute été bienvenue. De même, la bibliographie aurait gagné à se décentrer des auteurs américains pour prendre en compte les travaux de spécialistes britanniques ou français (Hervé Coutau-Bégarie par exemple). On peut également regretter que d’autres marines émergentes (Corée du Sud, Inde, Iran, Brésil) ne soient pas abordées.
Avouons-le, l’ouvrage de Nikolaus Scholik laissera sans doute sur sa faim le lecteur français ou anglophone, familier des questions navales, mais cette synthèse précise et bien documentée comble incontestablement une lacune dans l’espace germanophone dans un domaine – celui des études sur le fait maritime en général et le naval de défense en particulier – encore largement négligé. Ce n’est pas là le moindre de ses mérites. ♦