Editorial
Éditorial
Les urnes ont rendu leur verdict avec l’élection de Donald Trump qui a constitué une surprise politique et donc stratégique pour beaucoup. L’émotion soulevée par ce choix souverain des Américains suscite des inquiétudes quant aux évolutions de la politique étrangère de Washington : isolationnisme, lutte contre Daech, tension avec Téhéran, raidissement avec Pékin pour des questions économiques, rapprochement avec Moscou, désintérêt pour l’Europe et l’Otan…
Les incertitudes sont nombreuses et il est encore trop tôt pour d’ores et déjà décliner une première évaluation de la future administration Trump.
À cela se rajoutent les incertitudes en Europe avec, d’une part le Brexit, dont il reste difficile d’en tirer toutes les conséquences et, d’autre part la paralysie des institutions européennes accentuée par l’entrée de la France et de l’Allemagne en campagne électorale. De ce fait, l’Europe risque d’être aux abonnés absents pour de nombreux mois, alors même que les situations géostratégiques évoluent autour du Vieux Continent.
Le dossier de ce mois veut ainsi éclairer les rapports complexes qu’entretiennent aujourd’hui les pays comme la Russie, avec ses voisins tels l’Ukraine, la Turquie ou le monde arabo-musulman. Rien n’est simple dans cet espace compliqué et il importe donc d’éviter de plaquer des schémas tout faits censés expliquer en quelques slogans simplistes des situations où l’Histoire s’inscrit dans le temps long. À oublier cette dimension temporelle, les raccourcis idéologiques – si chers à des politiques pressés – risquent de conduire à l’échec stratégique.
Si la guerre est une expression exacerbée des relations entre peuples, il faut aussi constater que l’approche culpabilisante autour des ventes d’armes est trop souvent réductrice avec des arguments trop simplistes et manichéens. Le dossier consacré aux exportations d’armement montre ainsi – du moins pour la France – que cette politique s’inscrit dans une démarche de plus en plus globale en valorisant des partenariats stratégiques contribuant de facto à garantir la sécurité entre pays amis et à renforcer le rôle de la France sur la scène internationale.
Certes, cela peut créer des tensions sur nos propres forces avec le soutien aux exportations (Soutex) mais contribue également à notre propre défense.
Dans cette période d’instabilité croissante, la capacité d’analyse de l’environnement stratégique est plus que jamais indispensable, en particulier pour expliquer aux décideurs, à la fois l’importance des choix à faire, mais aussi la nécessité d’inscrire leur action dans le temps long, qui n’est pas celui des opinions publiques souvent versatiles et influencées par le tapage médiatique et la culture du zapping.
À l’heure où la France entre dans une phase politique sensible, il importe donc que les questions de défense fassent l’objet d’une réflexion approfondie, s’inscrivant dans la durée. Défaire l’outil de défense – pour des raisons idéologiques ou strictement budgétaires – est facile et rapide. Le reconstruire quand la menace est là, exige du temps, des efforts et de la ténacité. C’est cette seule voie que notre pays doit prendre s’il veut encore agir et non pas subir l’Histoire. ♦