Le monde au défi
Le monde au défi
L’observateur lucide qu’est Hubert Védrine ne peut pas laisser indifférent tant ses analyses s’appuient sur une lecture sans concession de notre monde actuel. Sa longue expérience à l’Élysée, comme secrétaire général de François Mitterrand et également comme ministre des Affaires étrangères, lui permet de dresser un constat inquiétant de l’état de notre planète.
Notre monde en effet va mal, mal sur le plan écologique avec une accélération des changements induits par l’Homme et dont le réchauffement climatique en est un des aspects les plus spectaculaires et déstabilisateurs. Mal sur le plan politique, où plus que jamais la multipolarisation actuelle voit les tensions s’accroître avec la remise en cause des équilibres classiques mais aussi – et plus inquiétant – avec le rejet de la démocratie au profit de populismes nationalistes ou religieux, préférant la démocrature aux vertus du peuple citoyen.
Ces dérives montrent que la notion de communauté internationale, voulue notamment avec la création de l’ONU en 1945, reste davantage une virtualité qu’une réalité tangible, malgré les déclarations de bonne volonté faites à intervalles réguliers. La bipolarité de la guerre froide n’est plus et le système actuel n’a pas trouvé son équilibre. D’autant plus que le monde occidental est lui aussi en panne de leadership mais aussi de volonté d’avancer. Les États-Unis, l’hyperpuissance de l’après chute du Mur, doutent d’eux-mêmes, à l’image de la campagne présidentielle de 2016, tandis que l’Europe est en panne de projet, voire d’avenir tout court. La fracturation de l’Europe en est une preuve hélas tangible avec le refus d’admettre certaines évidences comme les racines judéo-chrétiennes du « Vieux Continent ». Ainsi, la France a du mal à percevoir le problème de l’islamisme comme autre chose qu’un malaise social, d’où l’incapacité à reconnaître les vrais ressorts de la violence revendiquée par le Djihad.
Ces différentes visions du monde aboutissent à cette fragmentation inéluctable où les passions s’entremêlent aux intérêts immédiats, accélérée par la mondialisation de l’économie mais aussi des savoirs et de l’information-désinformation via les réseaux sociaux.
Dès lors, se pose la question du destin commun de l’Humanité sur la planète bleue. La prise de conscience – malgré la réticence de nombreux lobbies – de l’état d’urgence écologique constitue une étape décisive. Même en Chine où l’essor industriel a été la priorité absolue, l’opinion publique réclame désormais une meilleure attention envers l’environnement. Les signaux d’alarme – pollutions, maladies, migrations imposées… – sont si nombreux qu’il est désormais impossible pour les dirigeants politiques de faire l’autruche et d’attendre une hypothétique amélioration. Des actes concrets s’imposent comme l’Accord de Paris signé en 2015 lors de la COP21 et désormais entré en vigueur juste avant l’ouverture de la COP22 au Maroc.
Une écologisation raisonnable devient indispensable, nécessaire et urgente. À condition que celle-ci ne soit pas accaparée par l’idéologie écologiste maximaliste revendiquée par certains partis politiques, notamment en France, où leur discours est essentiellement punitif et réservé à une élite pouvant s’affranchir aisément des contraintes du quotidien.
Cette obligation de penser l’avenir de façon plus raisonnable pourrait permettre ainsi cette ouverture aux autres et faire admettre qu’un destin commun unit plus que les murs que les uns et les autres veulent construire.
En quelque 110 pages vigoureuses, Hubert Védrine va une fois de plus à l’essentiel en ayant toujours cette double approche entre le temps immédiat, celui des politiques et des diplomates et le temps long, celui des géopolitologues, des historiens et de ceux qui considèrent que nous ne sommes que des héritiers temporaires devant d’abord préparer notre succession envers les générations futures.
L’accélération indéniable du temps exige donc cette mutation qui prendra évidemment du temps pour que la « communauté internationale » comprenne que son destin est à jamais solidaire.