La France doit affirmer son indépendance face à l’Otan et à l’Union européenne tout en renforçant ses capacités dans le cadre de l’ONU, seule institution légitime. À côté du maintien de la dissuasion nucléaire, il conviendra de rétablir un service militaire garant du lien Armée-Nation, expression de la souveraineté du peuple.
A New Concept of French Independence
France needs to assert its independence in the face of NATO and the European Union whilst strengthening its capability within the framework of the UN, the sole legitimate institution. Besides retaining the nuclear deterrent, we need to re-establish a military service that is the guarantor of the link between the forces and the nation, the expression of the sovereignty of the people.
Les bifurcations du monde que j’avais déjà pointées en 2012 se sont affirmées. Une nouvelle vision d’ensemble s’impose, pour intégrer ce fait dans la vision stratégique qui orientera notre défense.
L’ordre géopolitique bascule. L’hégémonie des États-Unis sur le capitalisme financier transnational vacille. La compensation de cette perte de leur hégémonie par leur prééminence militaire est un facteur de menaces et de crises partout où ils sont présents dans le monde. En 2016, ils cumulaient 700 bases militaires à l’étranger et 620 milliards de dollars de dépenses militaires : 40 % des dépenses mondiales et plus du double des dépenses cumulées de la Chine et de la Russie. Comme la France, ces grands pays ont au contraire intérêt à la coopération multilatérale. Nous devons les considérer à ce moment de l’histoire comme des partenaires. Quand de Gaulle s’est rapproché de l’Union soviétique, et a reconnu la Chine en 1964, il n’a pas questionné la nature de leurs régimes, mais seulement les conditions diplomatiques du renforcement de l’indépendance de notre pays. Je désapprouve les derniers Livres blancs qui prétendent que l’Occident ou l’Otan reposent sur des valeurs et des intérêts partagés face au reste du monde. Cette vision occulte des divergences fondamentales, notamment avec les États-Unis, vis-à-vis desquels nous devons recouvrer notre indépendance militaire en sortant de l’Otan.
Notre environnement stratégique est aussi bouleversé par la crise écologique. Le déni que lui oppose Trump place là aussi les États-Unis dans une posture dangereuse pour toute l’humanité. Sans transformations des modes de production, d’échanges et de négociations, les conflits pour l’accès à l’eau, l’alimentation, l’énergie se multiplieront. Comme ceux liés aux déplacements forcés de populations dont l’ONU craint qu’ils concernent 250 millions de personnes en 2050 à cause de phénomènes climatiques extrêmes.
Quelles sont, selon vous, les implications pour notre défense de l’évolution d’un contexte stratégique marqué, notamment par la nouvelle politique des États-Unis, les attitudes de la Russie et de la Chine, la déstabilisation du Moyen-Orient ainsi que par la fragilité de l’Afrique ?
Le chef d’état-major des Armées a publiquement plaidé pour que la prochaine LPM retienne l’objectif d’une ressource de 2 % du PIB (hors pensions) affectée à l’effort de défense au plus tôt. Souscrivez-vous à cet objectif que la plupart des experts considèrent comme indispensable pour maintenir les capacités de nos armées ?
Il existe un consensus général sur le fait que nos forces ont été largement surengagées au cours des dernières années par rapport aux moyens qui leur étaient alloués. Pensez-vous que, compte tenu de l’instabilité dans le monde et notamment en Afrique, les interventions extérieures puissent être réduites à l’avenir ? Seriez-vous en faveur de l’instauration d’un budget spécial pour les Opex ?
La modernisation de la dissuasion nucléaire est d’ores et déjà engagée par la présente LPM (sous-marins SNLE 3G et ASMP-NG) et des contrats ont été passés avec les entreprises concernées. Toutefois, un certain nombre d’échéances lourdes se présentent à l’horizon 2025. Comment pensez-vous que nous devions nous y préparer, dès à présent, et éviter, en l’absence de décisions dès 2018, une possible déperdition d’un potentiel national d’expertise technologique et industriel ?
Estimez-vous, avec le nouveau Président américain, que l’Otan est une « Alliance obsolète » ? Que proposeriez-vous, le cas échéant, pour la rénover et y donner un rôle plus important aux Européens ?
La France plaide, depuis de nombreuses années, pour une politique de défense et de sécurité européenne plus affirmée et plus efficace. Pensez-vous que les nouvelles orientations de la politique américaine justifient une accentuation de cet effort en liaison avec l’Allemagne ou avec le Royaume-Uni, malgré le Brexit ?
L’opération Sentinelle ainsi que la posture permanente de sécurité de l’Armée de l’air et de la Marine ont montré l’engagement de nos Armées sur le territoire national. Comment voyez-vous évoluer ces formes d’action militaire ? Comment voyez-vous le développement du lien Armée-Nation dans le contexte sécuritaire actuel ? Quelle place pour les militaires dans la Nation ?
Hors Opex, les rémunérations des militaires de différentes catégories s’inscrivent, dans presque tous les cas, en deçà de celles de leurs équivalents civils, et même d’autres secteurs de la fonction publique. Seriez-vous favorable à la mise en œuvre, comme en Grande-Bretagne et aux États-Unis, de Commissions indépendantes chargées d’assurer une certaine parité de l’évolution des rémunérations ?
Les Livres blancs précédents ont été élaborés dans le cadre de Commissions dont la composition a varié – comprenant d’ailleurs peu de militaires – mais qui ont toutes entraîné un délai minimum d’un an pour l’élaboration du cadre de la nouvelle LPM. Seriez-vous en faveur de la mise en place, dès votre élection, d’une procédure plus rapide et moins lourde ?
Quelle est votre perception personnelle de nos Armées à la veille d’une échéance majeure ?
melenchon presidentielle