De la guerre
De la guerre
« La guerre est un phénomène universel, dans l’espace et dans le temps, et cela depuis la fin de la dernière glaciation ». C’est précisément à ce « phénomène » que l’historien militaire britannique John Keegan (1934-2012) a consacré une vie de recherches, commencée comme professeur à l’Académie royale militaire de Sandhurst et poursuivie par la publication des trois ouvrages majeurs réunis ici par les éditions Perrin, sous le titre générique De la guerre, dans le cadre d’une nouvelle édition.
Dans le premier texte, Anatomie de la bataille, l’approche, révolutionnaire, de Keegan consiste à décrire trois affrontements : Azincourt, Waterloo, la Somme, en les restituant par le bas, telle qu’ils furent vécus par les combattants, rompant ainsi avec l’approche traditionnelle centrée sur les intentions et les actions des chefs militaires.
Le deuxième texte inclus dans cette trilogie, L’art de commandement, dégage et décrit quatre grands types de conduite de la guerre incarnés respectivement par Alexandre, Wellington, Grant et Hitler.
Pour le troisième enfin, dans la vaste fresque à travers l’espace et le temps intitulée Histoire de la guerre, qui s’étend des affrontements rituels des Yanomami de l’Orénoque jusqu’à la stratégie nucléaire de la fin du XXe siècle, Keegan traite de la guerre en tant que culture, conception qui s’oppose ouvertement à celle de Clausewitz, dont la pensée se réduit malheureusement chez lui à la célèbre formule, « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Pour Keegan, au contraire, « la culture représente un facteur bien plus durablement décisif, sur le plan militaire, que la politique », ce que nul ne songerait à contester. L’auteur se réfère ainsi notamment aux Cosaques, responsables pendant la Campagne de Russie d’« une orgie de pillages », et pour qui « la guerre n’avait rien de politique, elle était une culture et une façon de vivre » ou aux hordes de Gengis Khan. C’est confondre, nous semble-t-il, les formes que prend la guerre à travers les âges (« la guerre… représente toujours l’expression d’une culture, étant souvent génératrice de nouvelles formes culturelles, jusqu’à devenir, dans certaines sociétés, l’incarnation de la culture elle-même ») et le but qu’elle poursuit, but qui, lui, est toujours politique.
Critiqué par ses pairs, Michael Howard et Christopher Bassford notamment, pour sa méconnaissance de l’œuvre de Clausewitz, celle de Keegan reste malgré tout unique. Elle a fortement marqué l’histoire militaire des dernières décennies. ♦