Généralissime Souvorov, père de la doctrine de guerre russe
Généralissime Souvorov, père de la doctrine de guerre russe
La pensée militaire russe est très mal connue dans notre pays et c’est donc tout à l’honneur des Éditions des Syrtes d’avoir édité la biographie d’Alexandre Souvorov due au général français d’origine russe Serge Andolenko (1907-1973). Le manuscrit, achevé en 1949, n’avait jamais été publié.
Le général Souvorov (1729-1800), qui fit presque toute sa carrière sous Catherine II, est le fondateur d’une culture militaire russe originale qui cherche à se débarrasser de l’influence allemande due au rayonnement de Frédéric II. En ce sens, Souvorov ressuscite pleinement l’héritage de Pierre le Grand qui était tombé dans l’oubli quelques années après sa mort.
La réputation de Souvorov vient du fait qu’il livra 63 batailles au cours de sa longue carrière militaire tout en n’en perdant aucune, mais aussi qu’il fut le premier à cette époque à fonder l’entraînement militaire sur l’homme lui-même. L’officier pour Souvorov doit aussi être un éducateur. Cette approche, que l’on pourrait qualifier d’« humanisme militaire » et dont Dragomiroff au XIXe siècle, puis J.F.C. Fuller au XXe, furent les continuateurs, avait aussi pour but de fortifier le moral du soldat, de lui inculquer la certitude de sa supériorité, condition essentielle de la victoire.
Sur le plan stratégique, Souvorov annonce Clausewitz, même si l’auteur, assez réservé à l’égard de tout ce qui vient d’outre-Rhin, ne le relève pas : prépondérance du « but essentiel » (Clausewitz emploierait ici le terme de Schwerpunkt) ; ce but étant « toujours la destruction de l’armée ennemie par la bataille. Une fois celui-ci atteint, il faut achever la guerre par un coup décisif, porté au cœur du pays (adverse) ». Souvorov, en effet, considère la guerre comme un fléau qu’il convient d’abréger au plus vite. D’où l’accent mis sur une offensive éclair destinée à la conclure. Il se distingue ainsi de la plupart des généraux de son temps, qu’il appelait souvent avec mépris les « tacticiens ».
Une belle biographie, sur un personnage pittoresque et haut en couleurs. Interpellé en 1799 en Italie par un général français prisonnier sur les aspects techniques d’une bataille gagnée à l’encontre de toutes les règles établies, Souvorov lui répond : « Que voulez-vous, nous autres Russes, nous n’y entendons rien, sommes sans règles et sans tactique : je suis encore parmi les moins mauvais ». ♦