Dans le temps de catastrophe économique et d’anarchie politique qui a suivi l’effondrement de l’URSS, l’industrie aéronautique russe a su trouver les voies de sa survie – essentiellement grâce aux commandes chinoises et indiennes de chasseurs de la famille Su-30. Dans cette phase extrêmement chaotique, deux entités industrielles dynamiques se sont consolidées – la compagnie d’État Soukhoï et la compagnie privée Irkout. À partir du milieu de la décennie 2000, sur fond de renforcement global de la présence de l’État dans l’économie, la nationalisation des actifs privés est intervenue, et un processus de consolidation du secteur aéronautique a été engagé. Par ailleurs, en 2012, le ministère de la Défense s’est lancé dans une grande vague de dépenses d’équipement, principalement dans le secteur aéronautique, du fait de la commande de centaines d’appareils militaires.

L’intégration progressive de l’aéronautique russe dans le cadre de la corporation aéronautique unifiée (OAK), la réorientation de son activité de l’export vers la réalisation des commandes du ministère russe de la Défense et l’absence de succès significatifs dans la diversification vers le secteur commercial – tels ont été les principaux traits du développement de l’aéronautique militaire au cours des cinq dernières années. Réduction radicale des achats du ministère de la Défense, saturation des marchés d’exportation et lutte pour le marché commercial – tels sont a priori les ingrédients de l’avenir proche de l’aéronautique russe.

Une lente intégration

Immédiatement après la suppression du ministère soviétique de l’Industrie aéronautique, des tentatives de concentration des acteurs industriels du secteur, marqué par une grande dispersion, ont été entreprises. Au terme du processus de consolidation des actifs intervenu dans les années 1990 et au début des années 2000, processus désordonné et sauvage, deux pôles se sont formés : la compagnie d’État Soukhoï (dont le cœur était formé du bureau d’études de Soukhoï) et la corporation privée Irkout (qui s’était établie autour de l’usine aéronautique d’Irkoutsk). Sur le plan financier, Soukhoï s’appuyait sur les grosses commandes chinoises et le soutien apporté par l’État au programme de développement de l’avion régional SSJ-100. Quant à Irkout, sa base financière découlait du programme de chasseur Su-30MKI pour l’Inde, auquel s’ajouteront par la suite les ressources affectées par l’État à la conception de l’avion de ligne MS-21. Les deux pôles se trouvaient dans une situation de concurrence exacerbée pour les commandes à l’export ⁽¹⁾. Ils le furent également pour l’obtention de commandes de la Défense russe, dans le cadre de la préparation du Programme d’armement 2011-2020. La corporation MiG a eu une chance de devenir le troisième pôle aéronautique, en particulier après le lancement du programme de conception et de production de l’avion de chasse MiG-29K (version navalisée du MiG-29) au profit de la marine indienne. Mais en 2004, MiG est tombée dans la « sphère d’influence » d’Irkout. En effet, en 2004, Alekseï Fedorov, principal actionnaire et président d’Irkout, est nommé PDG de MiG, ce qui a dessiné un trait d’union non pas financier ou technologique mais personnel entre les deux compagnies, ainsi gérées par le même homme. Dès lors, MiG n’est plus un sujet mais un objet des processus de restructuration de l’industrie aéronautique russe.