L'auteur, commissaire principal de la Marine en retraite, est directeur scientifique à la Société internationale d'études, de recherches et d'organisation (SINORG) et directeur du projet SIRLOG. Il exprime donc un point de vue extérieur au ministère de la Défense. Il n'en est que plus intéressant en raison du travail effectué par lui au sein de sa société, en particulier pour conseiller le Tiers-Monde dans ces domaines difficiles, et la manière dont il a suivi avec le plus grand soin et une très grande compétence ces importantes questions.
Les grandes tendances de l'informatique militaire en 1980
L’ordinateur est né de besoins militaires, il y a plus de trente-cinq ans. Son développement en Occident fut en partie lié à l’utilisation qu’en firent les militaires et les industries d’armement. En Union Soviétique, beaucoup d’observateurs estiment que le faible développement de l’informatique fut longtemps imputable à la politique de secret de l’Armée Rouge. Dans la plupart des pays développés, les armées et les complexes militaro-industriels de production militaire représentent les premiers consommateurs d’énergie informatique.
Il y a une dizaine d’années l’informatique n’était qu’une technique et une industrie n’intéressant la politique qu’à travers ses impacts industriels ou son utilité dans certaines ingénieries stratégiques, nucléaire par exemple. Aujourd’hui, l’informatique est devenue thème de réflexion stratégique. Télématique et bases de données préoccupent les gouvernements. L’ordinateur est-il devenu arme ou outil administratif ? Matériel sophistiqué, est-il appelé à jouer un rôle dans les armées du Tiers Monde, dans les types de conflits que nous connaissons et avons connu ces dernières années ? C’est à ces questions, et quelques autres, que nous nous efforcerons de répondre après avoir tenté de décrire l’informatique militaire actuelle.
Comme chaque fois que les armées se trouvent face à un progrès technique, il est indispensable de replacer le moyen nouveau dans la logique de l’art militaire et de chasser par avance les images et « a priori » qui s’imposent trop facilement à l’esprit. L’utilisation stratégique ou tactique du chemin de fer avant 1914, des blindés et de l’aviation avant 1939, de l’arme atomique actuellement, ont provoqué des discussions passionnées. L’ordinateur, à un moindre degré de passion, est lui aussi porteur d’un phantasme : celui de l’ordinateur qui décide des grandes options stratégiques, qui prend des décisions. Cet ordinateur-là n’existe pas et ne peut pas exister, quelles que puissent être les apparences. Mais, si l’on veut analyser correctement le rôle que peut jouer l’ordinateur dans l’art militaire, il est nécessaire de bien distinguer les différentes parties de cet art. Très classiquement, l’on distinguera la stratégie, la tactique et une troisième partie trop négligée, qui est une des clefs des guerres modernes : la logistique.
Il reste 93 % de l'article à lire
Plan de l'article