Editorial
Éditorial
Le calendrier très serré est tenu. La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale a été présentée au président de la République le 11 octobre. Ce document de 110 pages se veut être une « analyse lucide et volontariste » permettant dès lors de préparer la prochaine loi de programmation militaire 2019-2024. L’un des mérites de la Revue stratégique est d’être très explicite sur les menaces et les risques avec un ennemi clairement désigné, le terrorisme djihadiste et le retour du rapport de force comme instrument de régulation internationale. Dans un environnement stratégique instable, incertain et ambigu, les adversaires potentiels ne cessent de se réarmer pour conduire des conflits plus durs.
Dès lors, la France doit impérativement conserver un modèle d’armée complet et équilibré, avec une dissuasion nucléaire à deux composantes modernisées. Cela signifie – et les mots ont leur importance – une remontée en puissance de notre défense s’appuyant sur une ambition industrielle forte, capable de fédérer au plan européen et développant un niveau technologique élevé, dynamique et valorisant l’innovation. Notre pays dispose de ces atouts. Il appartient maintenant, après cette première étape, de concrétiser ce choix politique en termes d’ambitions opérationnelles, de capacités à mettre en œuvre et donc d’avoir les ressources humaines mais surtout financières conformes à nos intérêts et consolidées dans la durée.
L’une des pistes pour réussir ce projet passe notamment par l’innovation – clé de notre indépendance technologique et donc de notre souveraineté. L’enjeu est à la fois de préparer le temps long avec des programmes structurants dont la durée de vie est de l’ordre du demi-siècle et de mettre en valeur le temps court qu’apporte la révolution numérique. Cela exige une agilité opérationnelle, mais aussi culturelle, en valorisant l’esprit d’innovation qui nous permettra de conserver un avantage face à des puissances aux ambitions agressives et donc déstabilisantes dans certaines régions du monde, y compris aux portes de l’Europe. Le dossier de ce mois propose les travaux de la session « Armement et économie de défense » de la 53e session nationale de l’IHEDN, illustrant en particulier ce besoin de développer la culture de l’innovation qui est une condition indispensable afin de faire la différence notamment pour nos forces en opération. Cela est d’autant plus nécessaire que nous en avons les capacités et les compétences.
Se pose ici la question de l’ambition européenne largement réaffirmée dans la Revue stratégique. Or, l’alignement des planètes n’est plus optimum aujourd’hui avec le Brexit monopolisant durablement Londres et la Commission européenne, la constitution d’une coalition « Jamaïque » en Allemagne qui reste laborieuse et compliquée, la crise catalane pour Madrid paralysant de fait sa diplomatie de défense, et les derniers résultats électoraux en Autriche et en République tchèque favorisant les partis populistes méfiants à l’égard des institutions européennes, en attendant les élections italiennes d’ici le printemps.
Cela signifie donc un effort supplémentaire pour la France en vue de proposer une démarche réaliste, pragmatique et efficace. C’est le rôle du premier de cordée de tirer vers le haut.