La mise en place de chambres spéciales du Kosovo par l’Union européenne, constitue une nouvelle étape dans le domaine de la justice pénale internationale, s’appuyant sur l’expérience d’autres tribunaux spéciaux. Avec le risque de ne pas favoriser le processus de réconciliation d’ordre politique.
Chambres spéciales du Kosovo : premiers pas de l’UE dans le domaine de la justice pénale internationale
The Kosovo Specialist Chambers: First Steps by the EU into the Field of International criminal Justice
The setting up of Kosovo Specialist Chambers by the European Union is a new stage in the field of international criminal justice and is supported by experience gained from other special tribunals. It carries with it the risk of hindering the reconciliation process on a political level.
Pour la première fois de son histoire, l’Union européenne porte sur les fonts baptismaux de la justice pénale internationale un tribunal inédit, dans sa forme, dans son mandat, et dans son ambition. Les Chambres spéciales du Kosovo (CSK) s’inscrivent dans la lignée des tribunaux hybrides, tels que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, le Tribunal spécial pour le Liban ou encore les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens,ou les Chambres spéciales des tribunaux de district de Dili, tous institués par résolution du Conseil de sécurité ou en coopération avec les Nations unies. Ces tribunaux mixtes, combinant une dimension nationale et internationale, se sont progressivement imposés comme une solution pertinente et moins coûteuse, comparativement au modèle du tribunal ad hoc (1).
Les Chambres spéciales appartiennent aux institutions judiciaires kosovares, leur fonctionnement est internationalisé et leur financement est principalement assuré par l’Union européenne. En application de la loi kosovare autorisant la création des Chambres spéciales et la relocalisation de la procédure en dehors du Kosovo, et en vertu d’un accord de siège entre le Kosovo et les Pays-Bas en date de février 2016, ces Chambres siègent à La Haye, capitale de la justice pénale internationale. Le personnel des Chambres (procureurs, juges, personnel administratif) est internationalisé, la présidente est bulgare et le procureur, M. David Shwendiman, est américain (2).
À l’instar des autres tribunaux hybrides, membres de la génération 3.0 de la justice pénale internationale (3), la naissance des CSK s’inscrit dans le processus de justice transitionnelle que la communauté internationale s’efforce de conduire en ex-Yougoslavie depuis la fin du conflit. Tâtonnant à la recherche du point d’équilibre entre indépendance et efficacité de la justice d’une part, et la réconciliation des anciennes parties au conflit d’autre part, l’Union européenne fait un pari risqué à plusieurs titres en misant sur les CSK pour légitimer la place de l’État kosovar dans l’espace européen.
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