Editorial
Éditorial
La trêve olympique a déjà eu un effet positif en faisant baisser, du moins temporairement la tension entre les deux Corée. À défaut d’une dénucléarisation très peu probable de la Corée du Nord, les flocons de neige et les flonflons auront permis une reprise nécessaire et utile du dialogue. Cette pause stratégique ne doit cependant pas faire illusion, alors que le rapport de force est redevenu le régulateur des relations internationales.
D’où la nécessité de poursuivre les analyses sur les enjeux de défense lancés cet automne par les travaux ayant abouti à la Revue stratégique et qui se concrétiseront dans la Loi de programmation militaire présentée ce mois-ci qui va effectivement définir, dans la durée, les ambitions réelles pour notre pays. Il y a bien sûr des choix à faire, en particulier pour que l’Europe de la défense ne soit plus seulement un vœu pieux. Cela passe par une véritable réflexion sur un environnement de défense toujours plus complexe et incertain.
Il en est ainsi de l’Asie, où la Chine a renoué avec la puissance impériale en développant en priorité ses capacités navales, au risque d’entrer en confrontation non seulement avec les États-Unis mais également avec ses voisins dont le Japon. Et ce n’est pas un hasard si Londres, qui va bientôt retrouver un groupe aéronaval digne de ce nom, a déclaré que l’un de ses deux nouveaux porte-avions irait croiser au-delà de l’océan Indien, vers cet océan Pacifique, désormais au centre de gravité de l’économie mondiale. Cette ambition britannique renoue d’ailleurs avec la tradition navale de Londres, au détriment de la force terrestre, mise à mal depuis le retour d’Irak, sans parler du Brexit.
Ces incertitudes stratégiques sont également sensibles en Afrique subsaharienne où la montée en puissance de la force du G5 Sahel doit contribuer à stabiliser la région, à commencer par le Mali dont la fragilité reste patente malgré les efforts notoires engagés notamment par la France. La faiblesse endogène de l’État reste de facto une source de conflictualité difficile à combler. C’est aussi la nécessité et la démonstration que la France doit disposer d’un modèle d’armée complet capable de dialoguer avec un chef tribal rebelle tout en garantissant la dissuasion nucléaire et en exploitant toutes les ressources de l’innovation, en particulier autour de l’Intelligence artificielle et des nouvelles capacités des systèmes autonomes. Rusticité et haute technologie sont de fait indispensables pour couvrir l’éventail actuel et futur des conflits potentiels.
Certes, la réponse militaire face à une crise n’est pas suffisante pour la résoudre, mais elle est indispensable car le soft power longtemps revendiqué par l’Union européenne n’est crédible que s’il s’appuie sur un hard power apte à traiter en même temps une cyberattaque sophistiquée et un engagement de forces au-delà de nos frontières. Cette ambition dont on s’aperçoit qu’elle est davantage prise en compte par nos partenaires, a toujours été au cœur de notre défense.
C’est la feuille de route qui est maintenant à mettre en œuvre pour nos armées. C’est la garantie pour nos concitoyens que la paix sera défendue non par le renoncement mais par la volonté. ♦