L’implication de la Russie en Syrie obéit à de nombreuses motivations dont le soutien politique et militaire au régime de Bachar el-Assad. C’est aussi une façon d’aguerrir ses forces et d’appliquer sur le terrain la doctrine d’emploi. C’est aussi l’occasion d’évaluer les Occidentaux et leurs modes d’action avec un minimum de risque.
La Russie en guerre : les coopérations russo-syriennes contre l’État islamique
Russia at War: Russo-Syrian Cooperation Against Islamic State
Russia’s commitment in Syria is motivated by a number of issues, one of which is the political and military support for Bashar el-Assad’s regime. It also serves as a way to battle-harden its forces and to test out doctrine on the ground. Furthermore, it is the opportunity to evaluate at minimum risk Western powers and their modes of action.
L’intervention de la Russie contre l’EI marque une rupture dans la politique militaire du Kremlin. À l’instar de l’URSS, les interventions de la Russie, en raison des coupures budgétaires et de la vétusté du matériel, se sont limitées au théâtre régional. Et ce notamment avec l’implication lors des conflits en ex-Yougoslavie, en Moldavie avec la Transnistrie, ou lors de la guerre de Géorgie en 2008, puis de manière indirecte en Ukraine en 2014 par un processus de guerre hybride. L’intervention russe contre l’EI atteste d’une ambition plus qu’internationale, car le conflit couvre à lui seul la Syrie et l’Irak, ainsi que des populations aux ambitions territoriales sur plusieurs pays, comme le Kurdistan. Dans cette optique, l’intervention se fixe pour ambition de montrer la puissance de l’armée russe à l’ensemble des pays du Moyen-Orient, puis aux Européens et aux Américains, tout en déstabilisant par la même occasion la Turquie via le Kurdistan et en soutenant le régime al-Assad.
Alors même que les Occidentaux doivent faire face à l’afflux de réfugiés qui arrivent en masse en Union européenne (UE) et relancer leurs économies atrophiées par la concurrente croissance de la Chine et des pays émergents, on pourrait s’interroger sur les sous-jacents qui motivent les opérations du Kremlin et le cadre juridique qui encadre cette intervention pour le moins controversée aux yeux de la communauté euroatlantique et des Eurasiens.
Le recours à la force en droit international : un argument majeur
Peu après les premières frappes militaires russes contre l’EI, le roi Abdallah II de Jordanie estimait que le conflit armé au Levant était devenu une « sorte de troisième guerre mondiale » (1). Une déclaration qui rappelle la peur soulevée par la société internationale et par l’opinion publique occidentale de voir la crise syrienne se transformer en conflit mondial lorsqu’à la fin de l’été 2013, les États-Unis et la France projetaient d’intervenir contre le régime al-Assad, alors accusé d’utiliser des armes chimiques à l’encontre de sa population. De son côté la Russie, fidèle à son attachement au gouvernement syrien, s’était fermement opposée à toute opération militaire, non sans souligner qu’un tel projet constituait « un défi aux dispositions clé de la Charte de l’ONU et à d’autres normes du droit international » (2) en ce qu’il violerait le principe fondamental de l’interdiction du recours à la force, prévu par l’article 2 de la Charte. Un argument juridique que le gouvernement russe n’a cessé de présenter depuis le début de la crise, cela même lorsque les États-Unis, à la suite de la demande des autorités irakiennes, décidèrent de former une coalition aux fins de mener des opérations aériennes à l’encontre de l’EI sur le territoire syrien, conformément au droit de légitime défense collective visé à l’article 51 de la Charte.
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