La Chine est devenue une puissance nucléaire en 1964. Elle a depuis entrepris une montée en puissance impressionnante de ses capacités nucléaires et conventionnelles avec une intégration des structures et des forces créant de facto une ambiguïté doctrinale non dénuée de risque en cas de dérapage.
La Chine et l’avènement de la « dissuasion stratégique intégrée »
China and the Advent of Integrated Strategic Deterrence
China became a nuclear power in 1964. Since then it has massively increased its nuclear and conventional capabilities, with an integration of structures and forces that has led de facto to doctrinal ambiguity that would not be without risk, were matters to get out of control.
En 1964, la République populaire de Chine (RPC) s’est dotée de capacités nucléaires afin de prévenir toute tentative d’attaque ou de chantage nucléaire. Bien que cette ambition soit officiellement restée constante depuis Mao, des évolutions non négligeables sont survenues depuis les premières formulations doctrinales de la posture de dissuasion chinoise, en particulier au cours de la dernière décennie. À mesure que la Chine a émergé comme puissance politique, économique et technologique, la posture peu ambitieuse des origines s’est sophistiquée et renforcée. Des spécificités de la posture nucléaire chinoise telles que l’opacité ou la politique déclaratoire ont alors été combinées aux moyens grandissants mis en œuvre par Pékin dans le domaine conventionnel, faisant naître une conception de la dissuasion plus composite et versatile.
Les fondations mouvantes de la dissuasion chinoise
La posture nucléaire de Pékin a dès son origine reflété une forme de retenue, se traduisant tant sur les plans doctrinaux que sur les plans capacitaires (volume et composition de l’arsenal, niveau d’alerte). Dès son apparition, l’arme nucléaire est considérée par Mao comme étant d’une nature radicalement différente de l’armement conventionnel, au point qu’un emploi coercitif de l’arme nucléaire serait intrinsèquement immoral et susciterait un contrecoup politique et diplomatique majeur (1). Un nombre même limité d’armes nucléaires suffit à en tirer le seul bénéfice stratégique possible : une capacité à décourager un adversaire d’employer ses armes nucléaires pour soumettre la Chine.
Derrière des principes fondateurs régulièrement réaffirmés transparaît en réalité une posture en mouvement. Si la plupart des principes de la politique nucléaire chinoise furent posés par Mao et le maréchal Nie Rongzhen dès les années 1960, il faut attendre la fin des années 1980 pour que le second corps d’artillerie ne conçoive une véritable stratégie et des plans précis, aboutissant à la charnière des années 1990 à l’adoption d’une doctrine fondée non pas sur la dissuasion minimale, mais sur les représailles nucléaires limitées – c’est-à-dire prévoyant une première frappe nucléaire limitée avant de recourir à des représailles plus massives (2).
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