L’arme nucléaire nord-coréenne a une double finalité, externe pour garantir la sécurité du pays face aux États-Unis et la Corée du Sud, et interne pour assurer la pérennité de la dynastie des Kim. Les efforts récents imposés par Kim Jong-un laissent peu de doute sur la volonté du dirigeant de conserver cette assurance-vie.
Nucléaire nord-coréen : des armes de légitimation politique
North Korean Nuclear Power: Weapons of Political Legitimacy
North Korean nuclear weapons have two objectives: externally, to guarantee the security of the country in the face of the United States and South Korea and internally, to ensure the continuity of the Kim dynasty. Kim Jong-un’s recent efforts leave little doubt as to his will to preserve this life insurance.
Le 29 novembre 2017, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) annonçait qu’elle avait « finalement réalisé la grande cause historique de l’achèvement d’une force nucléaire d’État ». La veille, le régime avait testé un nouvel ICBM (Intercontinental Ballistic Missile) – le Hwasong-15 – qui pourrait, selon Pyongyang, atteindre n’importe quelle ville du continent américain. Alors que la Corée du Nord menaçait les intérêts américains en Asie, ce sont désormais les territoires américains qui seraient directement menacés. Ce renforcement sans précédent des capacités nucléaires et balistiques nord-coréennes est la raison principale de l’aggravation des tensions, mais aussi du changement tactique opéré en début d’année par une Corée du Nord se considérant désormais en position de force dans les négociations internationales (1).
Cette déclaration est fondamentale, non seulement car elle a marqué le début d’une nouvelle séquence diplomatique symbolisée depuis par la participation du pays aux Jeux Olympiques d’hiver de Pyeongchang et aux divers Sommets avec la Chine, la Corée du Sud et les États-Unis, mais surtout car elle rappelle le caractère éminemment politique du programme nucléaire et balistique nord-coréen. Celui-ci s’inscrit dans la stratégie de survie de la RPDC qui vise non seulement à dissuader une intervention étrangère mais surtout à renforcer la légitimité en interne d’un jeune dirigeant arrivé au pouvoir après une transition expresse de trois ans. La prise en compte de cette dimension politique doit nous conduire à relativiser les récentes annonces de la Corée du Nord puisque sa dénucléarisation n’est pour l’instant en rien garantie. Si l’annonce d’un gel des essais a été une première étape, seul un gel des programmes suivi d’un démantèlement de ceux-ci sous une supervision internationale garantira une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible du pays, l’objectif commun de la communauté internationale.
Cette dimension politique ne valide pas pour autant l’argument selon lequel la stratégie du régime nord-coréen serait de se servir de ces armes nucléaires afin de modifier le statu quo et d’aboutir à la réunification de la péninsule, et ce d’autant plus que la dimension coercitive des armes nucléaires a récemment été remise en cause (2). Les défenseurs de cet argument apparu dès la fin des années 2000, notamment au Japon (3), considèrent que l’objectif nord-coréen en développant une capacité nucléaire intercontinentale est de briser l’alliance américano-sud-coréenne, ce qui entraînerait une crise économique et morale en Corée du Sud, permettant in fine une conquête « pacifique » du Sud par le Nord sur la base d’une ethnicité coréenne commune retrouvée. Cette crainte a depuis été relayée par de nombreux responsables américains dont l’ancien directeur de la CIA Mike Pompeo, le commandant des forces américaines dans le Pacifique ou encore le responsable Asie du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche (4). Si cette analyse paraît comme peu fondée, elle n’atténue en rien la menace que représente une Corée du Nord nucléaire pour la stabilité régionale, pour le droit international et pour la crédibilité de la communauté internationale.
Il reste 76 % de l'article à lire
Plan de l'article