Face à la menace balistique nord-coréenne, Séoul a décidé de développer un bouclier antimissile de conception nationale afin de ne pas dépendre totalement des États-Unis pour sa défense, mais aussi pour ne pas froisser la Chine, important partenaire économique. Séoul peut ainsi conserver une certaine autonomie stratégique.
Bouclier antimissiles sud-coréen : le choix ambitieux d’un système national
The South Korean Anti-Missile Shield: a National System
Faced with the North Korean ballistic missile threat, Seoul has decided to develop a nationally-designed anti-missile shield in order to avoid total dependence on the United States for its defence and also in order not to upset China, a major economic partner. In this way Seoul can preserve a degree of strategic autonomy.
La Corée du Sud est considérée comme faisant partie des dix premières puissances militaires mondiales (1). Elle reste cependant entravée dans son autonomie, son évolution et ses possibilités d’action par un contexte stratégique complexe. Faire face à la menace existentielle que fait peser la Corée du Nord est un des trois piliers historiques de la stratégie sud-coréenne (2), aux côtés de l’objectif national de bâtir une nation prospère et puissante, et de l’alliance avec les États-Unis. De là découlent les fondements de sa politique de défense (3) : maintenir le statu quo par la dissuasion, s’assurer de l’implication militaire américaine et la forward active defense. La dissuasion vise à éviter tout conflit d’ampleur et s’exprime avant tout par l’entretien d’une armée de masse – la septième au monde en effectifs – bien visible et essentiellement terrestre.
Toutefois, la place de plus en plus importante des armes de destruction massive dans l’arsenal nord-coréen influe sur les options stratégiques à la disposition de Séoul. La question de la défense antimissiles entre dans ce cadre. Les discussions à ce sujet ont été initiées au début des années 1990 (4). La fourniture de Patriot par Raytheon est d’abord envisagée, un premier contrat, par la suite annulé, est même signé. Un programme national de défense aérienne et antimissiles, dénommé SAM-X, est aussi initié au milieu des années 1990. Le survol du Japon par un missile balistique de portée intermédiaire Taepodong-1 nord-coréen en août 1998 marque les esprits et accélère les événements. Le Japon rejoint rapidement le projet de Theater Missile Defense américain.
Séoul y est réticent dès le départ et préfère envisager la mise en place d’un système national (5). Après avoir finalement décidé d’acquérir des Patriot PAC-2 d’occasion en Allemagne en 2005 et suite aux tests de multiples missiles par Pyongyang en juillet 2006 et à son premier essai nucléaire en octobre de la même année, Séoul annonce le lancement d’une architecture antimissiles basse couche, le Korea Air and Missile Defense (KAMD). Ce dernier est au départ imaginé comme la mise en réseau de Patriot avec un système de détection de conception locale et un centre de commandement (6). Étant donné l’état de la menace balistique qui pèse sur le pays, ce choix d’un système national peut étonner. Pourtant, il répond à une véritable logique stratégique et technique qui demeure valable après le rapprochement spectaculaire entre la Corée du Sud et la Corée du Nord du printemps 2018.
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