L’Indonésie doit faire face à une montée du terrorisme djihadiste qui monopolise l’attention du gouvernement, alors même que des tensions sectaires accroissent les violences et traduisent la complexité d’une société indonésienne très crispée sur le plan identitaire.
Indonésie : les angles morts de la lutte contre le terrorisme
Indonesia: Blind Spots in the Fight Against Terrorism
Indonesia is currently confronting an increase in Jihadist terrorism that is attracting the complete attention of the government whilst at the same time other sectarian tensions are leading to violence and betraying the complexity of identity within Indonesian society.
En Indonésie, les mobilisations violentes du facteur religieux sont loin de se cantonner aux avatars du djihadisme transnational (1). Ce dernier concentre pourtant l’essentiel des préoccupations des partenaires internationaux de l’archipel depuis les attentats de 2002 à Bali, lesquels ont contribué à la labellisation de l’Asie du Sud-Est comme « second front » de la lutte contre le terrorisme (2). Les autorités indonésiennes ont élargi dans ce contexte les modalités de leur action antiterroriste. Simultanément, elles promeuvent la représentation d’une opposition fondamentale entre un islam national, intrinsèquement modéré, et un fondamentalisme d’origine étrangère qu’il suffirait de contenir. Cette représentation simplifiée ne rend pas compte de la progression d’un sectarisme localisé, source de violences de basse intensité dont le lien avec le terrorisme est ténu, mais dont la portée sociale est significative.
Une menace djihadiste cristallisant l’attention
Les attentats perpétrés à Jakarta en janvier 2016 et mai 2017, la mutinerie d’un centre de détention proche de Jakarta et les attentats de Surabaya en mai 2018, impliquant notamment d’anciens combattants de l’organisation État islamique (EI) – qui a revendiqué l’attaque de 2017 – ont mis fin à la trêve relative dont semblait jouir l’archipel depuis les attaques coordonnées contre des hôtels de Jakarta en 2009. Le déclin de l’EI au Proche-Orient et la présence d’une trentaine d’Indonésiens parmi les assiégeants de la ville de Marawi (Philippines), entre mai et octobre 2017, ont ravivé les craintes suscitées dès 2014 par l’anticipation du retour de combattants de la Katibah Nusantara – l’unité de l’archipel malais au sein de l’EI, dont le terrain d’entraînement initial a été localisé à Poso (Sulawesi).
Ce tableau tend à être noirci par les autorités indonésiennes qui confortent ainsi des soutiens extérieurs, affluant depuis les attentats de Bali (3), tout en prévenant les critiques face à l’empiétement des mesures antiterroristes sur les libertés publiques. L’ancien chef d’état-major Gatot Nurmantyo (en poste jusqu’à fin 2017), partisan d’un étroit contrôle social face à des « guerres de proximité » parmi lesquelles il comptait le terrorisme au même titre que la défense des droits LGBT, avait ainsi pointé la présence de « cellules dormantes » de l’EI dans « toutes les provinces de l’archipel » à l’exception de la Papouasie occidentale.
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