India-China Relations: Politics of Resources, Identity and Authority in a Multipolar World Order / China and India: Asia’s Emergent Great Powers
India-China Relations: Politics of Resources, Identity and Authority in a Multipolar World Order / China and India: Asia’s Emergent Great Powers
Le XXIe siècle sera-t-il asiatique ? Pour Jagannath P. Panda, chercheur à l’Institute for Defense Studies and Analyses de New Delhi, et Chris Ogden, senior lecturer à l’université de Saint- Andrews, la montée en force de l’Inde et de la Chine depuis le début des années 2000 les replace au cœur de la géopolitique régionale et internationale. La Chine et l’Inde dépassent chacune le milliard d’habitants, représentant ainsi 37 % de la population mondiale, possèdent l’arme nucléaire et continuent d’augmenter leur budget de défense. Mettre donc sur le même plan ces deux pays est précisément l’ambition partagée par les deux auteurs.
C. Ogden adopte une posture conceptuelle dans China and India: Asia’s Emergent Great Powers, afin de comprendre l’influence du développement de la Chine et de l’Inde sur la notion de puissance au XXIe siècle. Dans India-China Relations, J. Panda explore plutôt leurs interactions dans les plateformes régionales et internationales, en dépassant le cadre théorique pour proposer une approche pragmatique de la relation sino-indienne, qu’il considère comme étant « l’une des plus complexes et plus dynamiques du monde ». Il faut donc, nous dit l’auteur, oublier l’idée selon laquelle celle-ci serait empreinte d’antagonismes. Elle se définit, au contraire, par une ambivalence permanente entre d’un côté, la « coopération, collaboration, coexistence, convergence » et de l’autre, la « compétition et le conflit ».
Les deux pays s’accordent par exemple sur le plan de la conduite d’opérations militaires conjointes. C. Ogden rappelle que l’Inde participe à des exercices avec les États-Unis, la Russie, la Chine et la Grande-Bretagne mais également avec ses voisins asiatiques (Bangladesh, Indonésie, Maldives, Singapour). De même, l’Armée populaire de libération (APL), dont la dernière expérience réelle du combat remonte à 1979, cherche à renforcer ses capacités opérationnelles depuis 2002. Elle conduit ainsi des exercices militaires conjoints terrestres et maritimes focalisés sur le contre-terrorisme et la protection frontalière, en grande partie avec la Russie et les pays centrasiatiques mais aussi avec le Pakistan, l’Inde, la France et les États-Unis, entre autres. Toutefois, dans une partie consacrée exclusivement à la relation bilatérale, J. Panda nuance la coopération sino-indienne, tout à fait jaugée par la Chine. Si l’Inde est un vrai partenaire en Asie – en témoigne la présence des deux pays dans de nombreuses plateformes régionales et internationales qui est étudiée en détail dans India-China Relations – elle est aussi vue par Pékin comme une potentielle nuisance sécuritaire.
La principale pierre d’achoppement entre les deux pays concerne très certainement les contentieux frontaliers. En juin 2017, le face-à-face entre les armées chinoises et indiennes sur le plateau du Doklam au Tibet a rappelé la sensibilité des litiges territoriaux entre l’Inde et la Chine. New Delhi avait déployé ses troupes pour contrer l’expansion chi- noise, matérialisée par la construction d’une route par Pékin le long de la frontière indienne. Pour J. Panda, l’Inde se préoccupe d’abord de la politique chinoise au Tibet, qui rapprocherait encore plus l’APL de son territoire, tout en alimentant la radicalisation de la communauté tibétaine en exil, menaçant ainsi la sécurité en Inde. Selon C. Ogden l’instabilité intérieure, caractérisée par les velléités séparatistes et le terrorisme, est en réalité une menace endogène aussi bien pour la Chine que pour l’Inde et ce point commun pourrait être une source de compromis. L’adhésion officielle de l’Inde à l’Organisation de coopération de Shanghai en juin 2017, plateforme interétatique dédiée à la lutte antiterroriste et à la sécurité régionale dont la Chine est un membre fondateur, devrait pouvoir concrétiser la coopération entre les deux pays et entamer une nouvelle synergie.
À la lumière de ces deux ouvrages, qui se complètent bien, on comprend donc que l’étude de la relation sino-indienne, en particulier dans le domaine sécuritaire, doit être soigneusement mesurée. Les auteurs fondent leur analyse sur les perceptions que se font ces pays à la fois d’eux-mêmes mais aussi de l’un et de l’autre, offrant ainsi des clés de lecture indispensables à la compréhension de la géopolitique asiatique, pour dépasser le consensus simpliste de la confrontation entre puissances émergentes. ♦