À mesure que les intérêts économiques réémergent en Baltique, les rivalités historiques et politiques des riverains se cristallisent de nouveau. Pour preuve, l’accord financier de dédoublement du gazoduc Nord Stream reliant directement la Russie à l’Allemagne via la Baltique, signé le 24 avril 2017 entre Gazprom et ses partenaires, a provoqué le courroux de la Pologne. Fulminant contre un projet qui concurrence le gazoduc « Yamal », reliant la Russie à l’Europe en passant par la Pologne, le ministre de la Défense Radoslaw Sikorski a été jusqu’à dénoncer la résurgence du pacte germano-soviétique. Il est vrai que le gazoduc Nord Stream 2 contribuera à renouveler fondamentalement la carte énergétique de l’Europe et de l’Allemagne, dès lors que le projet se propose de subvenir à la moitié de la consommation allemande en gaz.

Le dossier Nord Stream 2 contribue à remettre d’actualité une mer mal connue et isolée, du fait de la guerre froide, surnommée autrefois « la Méditerranée du Nord ». L’affaire Nord Stream amène en effet à repenser la Baltique comme un territoire de lutte pour des projets de souveraineté. La signature de l’accord a suscité les réactions de la Commission européenne qui a dénoncé une atteinte à l’autonomie stratégique de l’Union européenne (UE). Le fait que le Sénat américain l’ait également dénoncée révèle l’existence d’une visée stratégique américaine dans l’espace baltique. Il s’agira ici d’identifier les tentatives historiques de contrôle de la Baltique puis d’appréhender la stabilisation politique de cet espace qui a favorisé sa revalorisation économique après la guerre froide. Nous verrons qu’inexorablement la résurgence économique de la Baltique coïncide avec un nouveau cycle de tensions d’ordre militaire qui viennent remettre en cause la pérennité de l’espace.