L’après-Daech en Irak ne signifie pas un retour à la paix. L’instabilité politique et sociale demeure, sur fond de rivalités entre tous les acteurs locaux et internationaux dont les États-Unis et l’Iran. Il est urgent de répondre aux besoins des populations épuisées par des années d’un conflit brutal et barbare.
L’Irak : du combat contre Daech à la guerre sociale ?
Iraq: From Fighting Daesh to a Social Battle?
The conquest of Daesh in Iraq does not mean a return to peace: there is continuing political and social instability that stems from rivalry between local and international players, including the United States and Iran. There is now an urgent requirement to respond to the needs of populations exhausted by years of brutal and barbaric conflict.
Une guerre peut en cacher une autre ! * Après la proclamation par les autorités irakiennes de la victoire sur le groupe État islamique, le combat social devient aujourd’hui en Irak un mode d’affrontement majeur. Bien que les autorités irakiennes se veulent discrètes sur la question, le « retour à la paix » est révélateur de vives revendications sociales et économiques jusqu’alors contenues. Nous verrons que l’époque post-Daech s’inscrit dans un climat politique volatile traversé par une situation sécuritaire délétère.
Un climat politique volatile
Les élections législatives irakiennes de 2018 s’imposent comme une sanction populaire face au pouvoir politique considéré de longue date comme corrompu. Elles accentuent l’exaspération d’une population désabusée par l’incurie de l’establishment politico-religieux et génèrent une situation institutionnelle complexe et fragile permettant aux États-Unis de continuer à exercer leur tutelle sur le pays.
Des élections législatives sous forme de sanction (1)
Le « non-vote » historiquement (2) élevé de 55 % des inscrits, joint à la victoire inattendue du candidat populiste Moqtada al-Sadr, doivent être compris, d’une part, comme une sanction adressée à la classe politique, d’autre part, comme la volonté d’un véritable renouveau politique. L’expression du désenchantement profond des Irakiens, toutes religions et classes confondues, a effectivement marqué les élections législatives de mai 2018. Le vainqueur surprise a été le parti politique Sairoun, « En Marche », mené par le clerc chiite al-Sadr (3), composé du Parti communiste irakien (PCI) et de quelques groupes prochiites. Populiste, anticonfessionnel et hostile à l’Iran ainsi qu’aux États-Unis, al-Sadr a su séduire son électorat par une campagne portant sur le terrain social et plus particulièrement celui de la lutte contre les injustices, le népotisme et la corruption. Homme charismatique, il a su faire preuve de Kairos (4) et s’adresser avec les mots qu’attendait une population meurtrie par l’injustice sociale. L’alliance Sairoun a devancé la liste du Fateh, groupement politique des Hachd al-Chaabi (5), composé des milices fondamentalistes chiites soutenues par l’Iran et dirigées par Hadi el-Ameri (6). L’actuel Premier ministre Haïder al-Abadi, seul candidat à faire consensus entre les États-Unis et l’Iran, est arrivé en troisième position, alors que la coalition pour l’État de droit de l’ancien Premier ministre chiite Nouri al-Maliki (7), chef du parti Dawaa, n’est arrivée qu’en quatrième position.
Il reste 84 % de l'article à lire
Plan de l'article