Editorial
Éditorial
« Toute personne qui n’aura pas vu ces champs de carnage, ne s’en fera jamais une idée. Quand l’on arrive les obus pleuvent de partout à chaque pas et il faut malgré tout avancer. » Cette citation tirée d’une lettre d’un Poilu en juillet 1916 illustre combien la Der des Ders a été la matrice tragique d’une Europe déchirée et que ses conséquences-cicatrices demeurent encore aujourd’hui une réalité tangible, si l’on pense aux Balkans avec ses peuples mosaïques en mal de réconciliation ou aussi au Moyen-Orient, dont les frontières n’ont pas su créer de véritables Nations, par exemple.
Ce traumatisme fut bien sûr amplifié à une échelle inhumaine par la Seconde Guerre mondiale puis par la guerre froide, conséquences d’une Paix ratée en 1919.
Le centenaire de la Grande Guerre est bien plus qu’une étape mémorielle, il est un devoir de nécessité, d’exigence et de lucidité à la fois envers ceux d’Hier, les Poilus, le peuple français – dans toutes ses composantes – avec aussi tous ceux de tous les pays impliqués, soldats, civils et victimes, mais également envers notre jeunesse – celle d’aujourd’hui – qui prépare l’Europe de demain. Car le risque est réel d’être à nouveau un siècle plus tard des « Somnambules » sourds et aveugles dans un monde de plus en plus incertain et tragique, privilégiant le rapport de force et où les progrès de la civilisation payés par le sang des guerres semblent trop souvent balayés par les égoïsmes nationaux et les populismes démagogiques et revendicatifs.
Il convient aussi de voir que « 14-18 » a été également une mutation totale dans tous les champs : celui de la conduite de la guerre bien sûr avec ses évolutions tactiques et doctrinales, mais aussi celui des sciences, des techniques et de l’industrie ; il faut y rajouter la société elle-même, mobilisée dans toute sa diversité avec le rôle des femmes notamment. Sans oublier le champ culturel et intellectuel bouleversé par le Front. C’est aussi un ébranlement politique avec les effondrements des Empires, la dislocation de nombreuses monarchies et l’émergence – non consolidée hélas – de régimes démocratiques, sans oublier le début de l’expérience totalitaire qu’allait constituer l’URSS avec toutes ses suites, y compris de nos jours.
Les leçons du conflit restent donc plus que d’actualité et doivent être relues avec attention, non pas pour les reproduire mais bien pour appréhender ces risques de dérapage, à l’image d’un assassinat politique un 28 juin 1914 qui entraîna, tel un jeu de dominos en raison des alliances, l’abîme.
C’est aussi une exigence de responsabilité pour notre Défense que de réfléchir aux menaces et risques de demain pour pouvoir y répondre et défendre ainsi l’héritage de nos Anciens qui, avec une abnégation totale, ont défendu par le sang versé l’idée qu’ils se faisaient – individuellement et collectivement – de la France. ♦