La gendarmerie a joué un rôle mal connu durant la Grande Guerre en assumant ses missions dès la mobilisation. Elle eut aussi à assurer la sécurité des zones à l’arrière. Par ailleurs, sa fonction prévôtale bien qu’indispensable à la discipline des forces lui fut préjudiciable en termes d’image. La gendarmerie sut en tirer les leçons après-guerre.
Gendarmerie et Grande Guerre, une histoire mal connue
Gendarmerie and the Great War—a Little-Known Story
The gendarmerie played a little-known role during the Great War, yet took on missions immediately on mobilisation, later ensuring the security of zones behind the lines as well. On the other hand, its essential military policing function to maintain discipline in the forces did little for its image, which obliged the gendarmerie to draw lessons after the war from its experiences.
Le gendarme à cheval Henri Cloet, de la brigade de Tergnier (Aisne), est tué le 31 août 1914 à Trosly-Loire lors d’un accrochage avec un détachement de dragons allemands. Le 6 octobre 1915, Joseph Genin, maréchal des logis à pied de la gendarmerie, détaché comme adjudant-chef d’infanterie au 7e régiment de marche de tirailleurs, est tué à l’ennemi à la butte de Souain. Affecté à la brigade de Pantin-Centre, le gendarme Pierre Boussebayle est mortellement blessé le 4 juillet 1917 par deux déserteurs, qui tuent également un agent de police et blessent un autre gendarme et quatre agents. Le 22 août de la même année, le sous-lieutenant Georges Chavernac, commandant la section de gendarmerie de Hyères, est mortellement blessé par un cambrioleur qu’il tentait d’interpeller. Le gendarme à cheval Eugène Simon, passé dans l’aviation en 1916, disparaît lors d’une patrouille au-dessus des lignes ennemies au Nord de Montdidier le 31 mars 1918. Enfin, le gendarme à pied Joseph Dubroca est tué par un bombardement le 21 avril 1918 à Daours (Somme) en effectuant son service de prévôté.
Ces six destins constituent une évocation parlante de la diversité des missions remplies par la gendarmerie pendant cinq ans lors du premier conflit mondial. Si le rôle des prévôts est bien connu, si l’on sait en général que nombre de militaires de la gendarmerie ont servi comme cadres au sein des régiments de toutes armes, la place de la gendarmerie au cours de cette guerre n’est souvent qu’imparfaitement appréhendée. Dans une épopée nationale peuplée de héros des tranchées, d’As de l’aviation et de glorieux combats navals, le rôle des gendarmes peut passer inaperçu, voire être réduit à sa partie jugée la moins honorable, c’est-à-dire à la chasse aux réfractaires et déserteurs. À l’heure de la réhabilitation des fusillés et de la dénonciation sans nuance des horreurs et des contraintes de la guerre, la mission est certes difficile à valoriser tant aux yeux du public qu’à ceux du monde combattant…
Mobilisation générale
La Grande Guerre des gendarmes commence en fait avant le déclenchement du conflit, avec la préparation de la mobilisation et des réquisitions qui l’accompagnent. Le travail préalable effectué partout en France par les brigades permet aux armées de monter en puissance dans les délais prévus, dans le calme et avec un taux d’insoumission initialement très bas. Les hommes rejoignent leurs régiments tandis que bestiaux, chevaux et voitures sont rassemblés et envoyés aux unités. Il s’agit d’un succès d’autant plus notable pour la gendarmerie qu’elle doit, dans le même temps, se mettre elle-même en état de guerre. Le départ en campagne des armées s’accompagne en effet de la mise sur pied des prévôtés, qui s’effectue par prélèvement sur l’ensemble des brigades territoriales. Près de 4 000 hommes, de tous les grades, rejoignent les formations prévôtales, soit 18 % environ de l’effectif de la gendarmerie en 1914 (1).
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