L’historiographie de la Grande Guerre est impressionnante avec une production française évaluée plus de quinze mille publications depuis un siècle. Le mouvement se poursuit avec des approches renouvelées et de nouveaux champs d’investigation pour les historiens, le centenaire ayant suscité un regain d’intérêt avec des travaux très pertinents.
Historiographie de la Grande Guerre : tentative de bilan en fin de centenaire
Historiography of the Great War: a Round-up After a Century of Writing
The written history of the Great War is impressive, with more than fifteen thousand publications in France alone over the past century. And it has not stopped there—new approaches and new fields of investigation continue to attract historians, particularly since the centenary has fostered renewed interest with some highly pertinent works.
L’ampleur de la production éditoriale depuis un siècle sur le thème de la Grande Guerre est d’autant plus impressionnante que le rythme ne semble pas faiblir, quel que soit le type d’ouvrages, romans, témoignages, récits généralistes pour le grand public, études scientifiques, régionales ou thématiques, etc. Les quatre années de célébration du centenaire que nous venons de vivre ne dérogent pas à la règle et il est intéressant d’établir une synthèse de ces publications.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, notons que la production française, qui doit s’établir en fin d’année 2018 autour d’une quinzaine de milliers de titres publiés en cent ans, est sans doute l’une des plus importante au monde parmi tous les anciens belligérants. Cela nous rappelle que la production de chaque pays reste profondément liée à sa contribution particulière au conflit et à son histoire nationale. En 2004, Antoine Prost et Jay Winter font paraître au Seuil Penser la Grande Guerre. Un essai d’historiographie, qui tente de dépasser les clivages nationaux. Car il n’y a ainsi rien de commun entre l’historiographie serbe, marquée par le martyrologue d’un peuple, et l’historiographie américaine, qui insiste sur la naissance de la première armée nationale ; entre la belge, qui revient sur les crimes allemands et les rigueurs de l’occupation, et l’italienne, traumatisée par les pertes sur l’Isonzo et la naissance du fascisme parmi les anciens combattants ; entre l’allemande, perturbée par la question de la responsabilité dans le déclenchement du conflit, et l’australienne, qui voit à Gallipoli et dans les Flandres la naissance d’une nation, etc. Dans ces conditions, la production française est aussi à considérer, dans sa variété et ses nuances, comme une expression de la diversité des mémoires de la Grande Guerre.
Classiquement, les historiens identifient trois grandes périodes dans l’historiographie française de la Grande Guerre. Pour une approche plus fine de la réalité éditoriale, je préfère en comptabiliser quatre, voire cinq, en isolant du reste de la production, pour des raisons différentes, les ouvrages publiés pendant le conflit lui-même d’une part, et ceux mis à la disposition du public depuis 2013 et les prémices du centenaire d’autre part.
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