L’Iran pose de grosses difficultés à la diplomatie française. D’un côté, Paris veut maintenir l’accord sur le nucléaire malgré Washington et de l’autre, le développement des capacités balistiques iraniennes montre l’ambiguïté de Téhéran et sa volonté d’accroître sa sphère d’influence régionale notamment sur les populations chiites.
Iran : la délicate équation diplomatique française des missiles balistiques
Iran: Delicate French Diplomacy on the Ballistic Missile Issue
Iran poses considerable problems for French diplomacy. On one hand Paris wishes to continue to support the nuclear agreement despite Washington’s objections yet on the other, the development of Iranian ballistic capability highlights the ambiguity coming from Tehran and its will to broaden its regional sphere of influence—in particular over the Shiite population.
Le retrait unilatéral américain, survenu le 8 mai 2018, de l’Accord sur le nucléaire iranien n’est pas sans confronter la communauté internationale, l’Union européenne et, plus particulièrement, la France, à un écheveau diplomatique. L’ultime délai de 120 jours laissé par les États-Unis à leurs partenaires européens, afin de renégocier les clauses de l’Accord de 2015 en vue d’y inclure le programme balistique iranien, s’est révélé insuffisant. En réaction à cette mise en péril du fleuron de la diplomatie européenne, Paris se présente comme l’un des chefs de file du dialogue diplomatique avec l’Iran. Dans la mesure où le Brexit conduit au retrait du Royaume-Uni, l’un des deux États de l’Union européenne à être doté d’une dissuasion nucléaire, la France se présente comme ce seul et dernier État nucléaire accrédité par le Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP) de 1968 et à être membre de l’UE. La France, qui défend de façon ardente l’Accord de 2015, comme une très grande majorité de la communauté internationale considère l’Iran comme l’une des dernières pierres angulaires permettant à l’édifice juridique du TNP de ne pas s’effondrer. Alors que l’Accord de Vienne semble résoudre en partie la question du nucléaire iranien, il est une nouvelle question qui se voit soulevée dans un contexte de tensions triangulaires entre les États-Unis, l’Iran et l’Union européenne, celle des missiles balistiques susceptibles de transporter une charge nucléaire.
Paris se retrouve face à un dilemme diplomatique et commercial. D’un point de vue sécuritaire, la France entend préserver l’Accord sur le nucléaire iranien afin d’enrayer une potentielle escalade nucléaire régionale. Mais c’est sans compter sur l’équation diplomatique qu’elle se doit désormais de résoudre. Si Paris s’éloigne de Washington sur la question du nucléaire iranien, il est un point diplomatique sur lequel l’Administration française rejoint celle des États-Unis, celle des missiles balistiques et de leur régulation. La France se doit de composer avec un partenaire américain avec lequel le volume quotidien des échanges commerciaux bilatéraux rend Washington indispensable et irremplaçable, malgré la volonté des États-Unis de briser l’Accord qui n’intègre pas l’épineuse question des missiles balistiques. Cependant, les efforts diplomatiques français se voient minés par l’extraterritorialité autoproclamée des sanctions américaines, destinées à priver les entreprises mondiales de commercer en Iran. Les sociétés européennes sont particulièrement frappées par cette interdiction malgré les tentatives européennes d’adoption de mécanismes juridiques de protection de ses entreprises. Le retrait total des sociétés étrangères et la chute économique des relations commerciales euro-iraniennes ne sont pas sans provoquer le risque d’une recrudescence politique des Conservateurs iraniens alors que la France se doit de maintenir le dialogue avec Téhéran. Quels sont les enjeux du programme de missiles balistiques iraniens pour la défense française ?
Une ambition nucléaire iranienne de longue date
Il importe toutefois de rappeler que l’ambition nucléaire iranienne ne date pas de 2003, mais de 1953, avant de se concrétiser à partir de 1974 sous le règne de Mohammad Reza Chah Pahlavi. Les prémices de l’ambition nucléaire iranienne bénéficient de circonstances politiques et économiques propices à son épanouissement. En effet, le Chah entretient avec l’Occident d’étroites relations diplomatiques. Les guerres qui secouent le Moyen-Orient en 1967 et en 1973, suivies du choc pétrolier, profitent à l’Iran qui enregistre des recettes pétrolières passant de 34 millions de dollars (1), entre 1954 et 1955, à 20 milliards entre 1975 et 1976. Les revenus florissants du secteur pétrolier financent le lancement du programme nucléaire que le Chah entend développer dans un premier temps à des fins civiles dans une perspective de rayonnement régional.
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