Décembre 2018 - n° 815

Armement et économie de défense

« Si vous armez, j’armerai aussi. Vous pouvez peut-être tuer la France, mais l’intimider jamais ! »

Napoléon Bonaparte

Cet automne, la Belgique a annoncé un double choix qui a suscité de très nombreux commentaires, en particulier en France et pour de bonnes raisons. Bruxelles a sélectionné l’avion de combat américain F-35 pour remplacer ses F-16, une solution « Made in USA » et a rallié le programme des blindés français autour de Scorpion pour doter sa composante terre d’une nouvelle génération de matériels, soit une solution « Made in Europe ». Lire la suite

  p. 1-1

Armement et économie de défense

Les cybertechnologies auront un impact conséquent sur les futurs champs de bataille. De nombreux scénarios possibles présentent les enjeux imposés désormais par le cyber. Dès lors, il convient d’intégrer cette dimension en investissant dans l’innovation et en travaillant avec nos Alliés pour renforcer nos capacités. Lire les premières lignes

  p. 7-12

La constitution d’une Base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne doit être une priorité pour la France qui doit mener une réflexion sur sa souveraineté et proposer des solutions originales. Cela signifie dépasser le strict cadre national et accepter d’innover et de penser autrement. Lire les premières lignes

  p. 13-19

Le Big Data est désormais un enjeu majeur dans l’économie et impose une réorganisation des modes de fonctionnement des entreprises. Mais le Big Data concerne également la défense et la sécurité avec des opportunités qu’il convient de saisir et d’exploiter, sans oublier les aspects juridiques et éthiques. Lire les premières lignes

  p. 20-27

Le maintien des compétences critiques au sein de notre Base industrielle et technologique de défense (BITD) est devenu vital, avec des départs importants à la retraite pour la génération 1970-1980. Il faut engager une politique volontariste pour compenser ces pertes de savoir-faire. La mise en place d’un Observatoire des compétences serait un outil pertinent pour piloter cette fonction RH (ressources humaines). Lire les premières lignes

  p. 28-34

Les grands projets d’armement sont souvent complexes et peuvent sembler en décalage avec la demande initiale. Les processus peuvent être améliorés avec des méthodes plus agiles valorisant l’innovation en s’appuyant sur une réelle volonté de donner plus de dynamisme à la conduite des programmes. Lire les premières lignes

  p. 35-41

Les exportations françaises d’armement sont essentielles pour contribuer à la soutenabilité de notre effort de défense. Cependant, il importe de consolider notre modèle en renforçant les liens entre les PME-ETI (Petite et moyenne entreprises ou de taille intermédiaire) et les institutions, dont la Direction générale de l'armement (DGA), avec des processus engageant nos propositions à l’export. Lire les premières lignes

  p. 42-49

Approches régionales

Le Kirghizstan avait semblé prendre une voie vertueuse après la dislocation de l’URSS. Hélas, l’impéritie de la classe politique marquée par le clanisme et la corruption a entraîné le pays dans une spirale négative. L’aide massive de la Chine n’est donc pas dénuée d’intérêt mais engage ce pays sous la coupe de Pékin. Lire les premières lignes

  p. 53-58

Repères - Opinions

Les exportations d’armement répondent à des choix politiques régaliens. Cependant, des controverses sont devenues régulières quant à certaines ventes vers des pays en conflit. Les discussions sur les modalités de contrôle à l’échelle de l’Union européenne (UE) ne sont pas simples et se heurtent à des approches politiques souvent divergentes. Lire les premières lignes

  p. 59-64

Exporter des armes n’est pas un commerce anodin mais bien un exercice politique soumis à des règles précises fixées par l’État. Il y a cependant une évolution perceptible autour de ce champ sensible pour des raisons éthiques. L’opinion publique exige des processus plus clairs et responsables face à certains États acheteurs. Lire les premières lignes

  p. 65-72

Privation de liberté et détention constituent des problèmes spécifiques lors des opérations militaires extérieures surtout si les prisonniers n’appartiennent pas à des forces nationales clairement identifiées. D’où le besoin d’un cadre juridique adapté protégeant nos forces et préservant les droits des capturés et internés. Lire les premières lignes

  p. 73-78

La contrainte juridique est désormais une réalité et pèse sur les opérations de l’Otan, obligeant l’Alliance à élargir son champ de compétence et à intégrer ce risque. Cela signifie le développement de nouvelles expertises visant à renforcer la résilience juridique, en particulier pour les engagements opérationnels. Lire les premières lignes

  p. 79-87

Le contrôle aérien militaire est à la croisée des chemins avec des défis technologiques majeurs pour moderniser les systèmes techniques, avec des défis organisationnels pour adapter les outils à l’environnement aéronautique et, enfin, avec de fortes contraintes de ressources humaines qu’il faut préserver et renforcer. Lire les premières lignes

  p. 88-93

L’espace est indispensable mais devient un champ de confrontation avec des acteurs ayant de nouvelles ambitions. Le risque de militarisation active est accru et oblige à des discussions visant à réduire son arsenalisation. L’Union européenne (UE) doit y jouer un rôle actif pour prôner la coopération au lieu de la confrontation. Lire les premières lignes

  p. 94-99

L’Iran pose de grosses difficultés à la diplomatie française. D’un côté, Paris veut maintenir l’accord sur le nucléaire malgré Washington et de l’autre, le développement des capacités balistiques iraniennes montre l’ambiguïté de Téhéran et sa volonté d’accroître sa sphère d’influence régionale notamment sur les populations chiites. Lire les premières lignes

  p. 100-106

L’effondrement de l’URSS a considérablement affaibli les forces armées qui ne surent pas alors tirer toutes les leçons des engagements en Afghanistan. Cependant, au fil des années, Moscou a su engager ses moyens en Tchétchénie et en Géorgie avec une efficacité accrue passant par une bonne maîtrise de l’espace aérien. Lire les premières lignes

  p. 107-111

Le conflit armé qu’a connu la Colombie pendant plus d’un demi-siècle a induit de très nombreux blessés de guerre et donc à une expertise tout à fait remarquable du service de santé militaire colombien. La prise en charge des patients s’inscrit dans un parcours de soins prenant en compte tous les aspects du trauma subi. Lire les premières lignes

  p. 112-115

L’Académie française a vu d’éminents militaires sur ses fauteuils. Mais depuis la disparition du Maréchal Juin (1967) et hormis Michel Serres, ancien bordache (École navale), l’institution militaire n’est plus représentée, ce qui est dommage, alors même que désormais des officiers prennent la plume pour porter une pensée stratégique française. Lire les premières lignes

  p. 116-119

Recensions

François Géré et Lars Wedin : L’homme, la politique et la guerre  ; Éditions Nuvis, 2017 ; 356 pages - Jean Dufourcq

De multiples pistes se croisent dans ce livre à la fois original, érudit et fécond qui sait se dégager des conventions et révérences habituelles pour considérer les modes d’exercice de la stratégie au début du XXIe siècle. Et tout d’abord, les pistes des deux auteurs : d’un côté, un agrégé d’histoire, féru de technologie militaire et de dialectique nucléaire, rompu aux rapports de force stratégiques actuels et de l’autre, un officier de marine suédois, ancien commandant d’unités de surface, breveté à Paris et Stockholm, conseiller militaire chez les diplomates de son pays et chef du bureau stratégie de l’état-major militaire européen. Il y a la piste bien balisée de l’histoire moderne avec le rappel de la grammaire stratégique ancienne qui établit « le politique, l’État et la guerre » (chapitre 1), suivie d’une réflexion complète et documentée sur la stratégie et les différents modes, calculs et combinaisons qui articulent « Politique, guerre et stratégie » (chapitre 2). « La puissance militaire hier et demain » examine alors les rapports complexes entre l’institution militaire et ses mandants ou interlocuteurs, le pouvoir politique, la société civile, le peuple d’où découlent les modes d’exercice du commandement de la guerre et les critères de l’efficacité stratégique (chapitre 3). Lire la suite

  p. 125-127

Éric Branca : L’Ami américain, Washington contre de Gaulle, 1940-1969  ; Perrin, 2017, 382 pages - Serge Gadal

Dès 1940, la personnalité et l’action du général de Gaulle ont suscité de la part des dirigeants américains une attitude empreinte d’une certaine hostilité. Le contact diplomatique avec le régime de Vichy fut ainsi maintenu au-delà du raisonnable et perdurera bien après le débarquement allié en Afrique du Nord, en novembre 1942. Les Américains signeront même, le 22 novembre, un accord avec l’amiral Darlan, commandant en chef des forces françaises, avant de soutenir, à la suite de l’assassinat de ce dernier en décembre, le général Giraud contre de Gaulle. « Tout plutôt que de Gaulle » semble ainsi être le leitmotiv de la politique américaine depuis cette époque à qui l’analyse avec le recul nécessaire. C’est justement ce que fait Éric Branca, historien et journaliste, dans L’Ami américainLire la suite

  p. 127-129

Par cette biographie consacrée au général Lacaze, personnalité bien connue des lecteurs de la RDN, l’auteur, qui l’a fréquenté personnellement à titre privé, met en perspective plusieurs années de relations politico-militaires, à une époque cruciale et charnière, puisqu’il s’agissait de la première alternance politique sous la Ve République, de la crise majeure des euromissiles entre les deux Blocs et le début de quatre décennies d’opérations extérieures, avec notamment le Liban et le Tchad. Lire la suite

  p. 129-131

Victor Ferreira et Bernard Constant : Légionnaire  ; Mareuil Éditions, 2016 ; 158 pages - Pierre Brière

Des petits fragments de pierre colorés ou une multitude de petites pièces lorsqu’ils sont disposés de façon aveugle donnent une impression d’incohérence et de désordre. Viennent un artiste ou un joueur, et naîtront, de ces éléments disparates, une merveilleuse mosaïque ou un impressionnant puzzle. Lire la suite

  p. 132-132

Revue Défense Nationale - Décembre 2018 - n° 815

Armement et économie de défense

Armaments and the Defence Economy

Cyber technologies are certain to have a significant effect on future battlefields. Each of the many possible scenarios highlights challenges already presented by such technology. We need now to face up to these challenges by investment in innovation and by working with our allies in order to boost our capability.

Establishing an EDTIB should be a priority for France, and the country needs to look closely at its sovereignty and to come up with some innovative solutions. That in turn means going beyond the strictly national framework and accepting the need to think differently.

Big Data now represents a major challenge to the economy and requires a rethink of how industries are organised and function. Big Data also has an impact upon defence and security, offering opportunities worth seizing and exploiting yet the legal and ethical aspects should not be forgotten.

The maintenance of critical competences within our DTIB has become vital, given the massive wave of retirements of the nineteen-seventies and eighties generations. We need to adopt a proactive policy to compensate for this loss of knowhow. It would seem sensible to set up a centre for surveying these competences so critical to the HR function.

Major weapons projects are often complex and end up as something other than that which was intended at the start. Processes can be improved using more responsive methods that draw on innovation and a genuine will to give greater dynamism to the conduct of programmes.

French arms exports are essential to the sustainability of our defence effort. It is important to consolidate our structure by strengthening the links between companies of small-to-intermediate size and other institutions, including the procurement organisation (the DGA), and by employing processes that take into account our export proposals.

Regional Approaches

After the dissolution of the USSR, Kyrgyzstan seemed to have chosen a virtuous route to its future. Alas the failures of the clannish and corrupt political class have driven the country into a downward spiral. Massive Chinese aid is therefore not without interest but it subjects the country to the control of Beijing.

Opinions and Viewpoints

Arms exports are a matter of high-level politics and yet there is regular controversy over some of these sales to countries in conflict. Discussion on how to keep control over them at the European Union level is far from easy and often encounters diverging political approaches.

The export of arms is a far from trivial trade: it is a political exercise subject to specific rules set by the state. That said, there has been a noticeable change in this sensitive trade for ethical reasons. Public opinion demands more open and responsible processes where certain buying states are concerned.

Deprivation of liberty and detention pose particular problems during overseas military operations, especially if the prisoners do not belong to clearly-identified national forces. Hence the need for an appropriate legal framework which protects our forces and also protects the rights of those captured and interned.

The concept of legal obligation is well and truly with us, and weighs heavily on NATO operations, thus requiring the Alliance to broaden its fields of competence in order to account for such risk. In turn, this means the development of new skills aimed at strengthening legal resilience in operational commitments in particular.

Military air traffic control has to deal with a number of significant and conflicting technological challenges: of modernising its technical systems and of adapting its organisation to accept such new tools into the aeronautical environment whilst at the same time dealing with limited human resources which need to be retained and strengthened.

Outer space is essential to us but is becoming a field of confrontation, as new players with new ambitions join the game. The risk of active militarisation has increased and discussions need to be held on how to reduce the weaponisation that comes from it. The European Union should play an active role in this in order to encourage cooperation, rather than confrontation.

Iran poses considerable problems for French diplomacy. On one hand Paris wishes to continue to support the nuclear agreement despite Washington’s objections yet on the other, the development of Iranian ballistic capability highlights the ambiguity coming from Tehran and its will to broaden its regional sphere of influence—in particular over the Shiite population.

The collapse of the USSR considerably weakened the armed forces, which were rendered incapable of learning all the lessons of their Afghanistan commitments. Nevertheless, with the passing of years Moscow has learned how to commit its forces in Chechnya and Georgia to far greater effect, through competent control of airspace.

More than fifty years of armed conflict in Colombia led to many war-wounded and hence to remarkable expertise within the Colombian military health service. Handling patients is performed to a methodology that takes into account all aspects of traumas suffered.

The Académie française has seen a number of eminent military personnel on its benches, yet since the death of Marshal Juin, and with the exception of Michel Serres, a former pupil at the École navale, military experience is no longer represented. This seems a pity, particularly since officers are now putting pen to paper about French strategic thought.

Book reviews

François Géré et Lars Wedin : L’homme, la politique et la guerre  ; Éditions Nuvis, 2017 ; 356 pages - Jean Dufourcq

Éric Branca : L’Ami américain, Washington contre de Gaulle, 1940-1969  ; Perrin, 2017, 382 pages - Serge Gadal

Victor Ferreira et Bernard Constant : Légionnaire  ; Mareuil Éditions, 2016 ; 158 pages - Pierre Brière

Revue Défense Nationale - Décembre 2018 - n° 815

Armement et économie de défense

Cet automne, la Belgique a annoncé un double choix qui a suscité de très nombreux commentaires, en particulier en France et pour de bonnes raisons. Bruxelles a sélectionné l’avion de combat américain F-35 pour remplacer ses F-16, une solution « Made in USA » et a rallié le programme des blindés français autour de Scorpion pour doter sa composante terre d’une nouvelle génération de matériels, soit une solution « Made in Europe ».

Ménager la chèvre et le chou tout en essayant de ne pas fâcher le grand allié à Washington. Telle est bien la problématique qui se pose aujourd’hui à l’Europe pour assurer sa défense. Et les propos tenus le 11 novembre ont encore rappelé la difficulté de l’exercice pour construire une autonomie stratégique européenne, appelée par certains « armée européenne ». Au-delà des effets de style, de nombreux aspects doivent être pris en compte, à commencer par la définition d’objectifs communs, ce qui n’est pas une mince affaire entre ceux qui voient la menace à l’Est, ceux qui la voient au Sud, sans oublier les impacts du Brexit en termes sécuritaires.

Il n’en demeure pas moins qu’il faut avancer et la dimension économique entre ici en ligne. En effet, l’autonomie souhaitée passe aussi par la capacité industrielle à réaliser celle-ci. La France, qui se veut leader en la matière, dispose d’un écosystème quasi complet, résultant des choix voulus par le général de Gaulle, il y a désormais soixante ans. Or, aujourd’hui, la dimension nationale ne suffit plus et il faut désormais raisonner à l’échelle européenne. C’est la thématique de ce mois autour des travaux de la 54e session « Armement et économie de défense » de l’IHEDN. Ce dossier illustre ainsi les enjeux qui se posent à la France et à nos partenaires européens, en ayant le souci à la fois de valoriser l’innovation mais aussi de consolider l’existant.

À cet égard, le naufrage récent d’une frégate norvégienne lors de manoeuvres de l’Otan souligne à la fois que malgré toutes les technologies, les désastres existent toujours et que très souvent c’est la défaillance humaine qui entraîne ce genre de catastrophe. Cela signifie qu’il faut toujours préparer nos soldats, aviateurs et matelots, à affronter le pire et à ne pas se reposer sur des solutions techniques toutes faites. La résilience et la rusticité doivent rester des fondamentaux de l’exercice du métier militaire. C’est une des leçons que l’on peut également tirer des autres articles proposés ce moisci sur l’importance de la valorisation des savoir-faire des hommes et des femmes de la Défense ; ce qui impose une vraie reconnaissance des compétences et la gestion dans la durée des expériences acquises individuellement et collectivement. Ce temps long semble en contradiction avec les effets de mode actuels où l’obsolescence est rapidement de mise. Or, dans le domaine de la défense, il importe de se situer dans ce temps long qui seul permet une mise en perspective et d’éviter ainsi les erreurs ou l’incompréhension face à la complexité de l’environnement géopolitique. C’est bien pour cela que le devoir de Mémoire, mis en lumière par le Centenaire de la Grande Guerre, reste indispensable pour mieux appréhender notre avenir et ainsi garantir à notre pays sa sécurité. ♦

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Décembre 2018 - n° 815

Armement et économie de défense

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