L’opération Inherent Resolve conduite contre Daech au Levant démontre l’importance de la composante aérienne pour assurer la défaite de l’adversaire. Le leadership américain en la matière souligne la nécessité pour les États de la coalition d’être à la hauteur pour s’insérer dans un dispositif complexe mais très efficace.
Composante aérienne et force interarmées : principe de subsidiarité et victoire par les airs
The Joint Force and its Air Component: Achieving Victory Through Subsidiarity
Operation Inherent Resolve, conducted against Daesh in the Levant, showed the importance of the air component in defeating the adversary. American leadership on this issue underlines the need for coalition countries to be up to speed in order to join such a complex, yet highly effective arrangement.
De juillet 2016 à juillet 2017, déployé au Koweït et en Irak, j’ai tenu les fonctions de French Senior National Representative (FR SNR) auprès du commandant d’Inherent Resolve (OIR), appellation américaine de l’opération militaire menée en coalition contre Daech au Levant. J’étais alors l’officier français le plus gradé sur le théâtre d’opérations, et le seul officier général non Five Eyes (FVEY) (1) au sein de la Combined Joint Task Force (CJTF) (2), composée d’une trentaine de forces armées (3), toutes sous commandement américain. D’aucuns dans les médias, par méconnaissance ou par souci de simplification du discours, m’ont gratifié du titre de commandant de l’opération Chammal, nom du volet français de l’OIR. D’autres, peu habitués à voir un aviateur à la tête d’une opération interarmées, m’ont spontanément flanqué des fonctions, réductrices à leurs yeux, de commandant des seules opérations aériennes françaises. Or, je n’étais ni l’un, ni l’autre (4).
Cette anecdote traduit une méconnaissance, trop largement répandue en France, de la place et de l’importance du rôle que tient la composante aérienne d’une force interarmées. De précédentes opérations, contre des adversaires moins capables que Daech, dans des espaces aériens incontestés, entretiennent cette sous-estimation, pour ne pas dire davantage. Les opérations au Levant démontrent pourtant, une fois encore, son utilité. Et si je m’en réfère au retour d’expérience tiré par l’US Army, qui a largement bénéficié de l’engagement de l’aviation, son action est même qualifiée de décisive dans les combats au Levant. La puissance aérienne dans les guerres peut être comparée à l’air qu’on respire : on y prête vraiment attention et on en mesure le caractère vital que lorsqu’on vient à en manquer.
Tous les acteurs de l’OIR ont su travailler en synergie (5), guidés par l’état final recherché (EFR) fixé par le niveau stratégique. Les commandants des trois composantes (terrestre, spéciale, aérienne) (6) inscrivaient leurs actions dans le respect des intentions et de l’idée de manœuvre globale du commandant de la force, tout en disposant d’une marge d’initiative disciplinée. Des réflexions doctrinales qui ont actuellement cours en France, au prétexte d’une « interarmisation » poussée à l’extrême, d’opérations multidomaines, et d’interdépendance, émerge la perspective d’un écrasement des niveaux stratégique, opératif et tactique, et d’une hyper-centralisation. D’aucuns évoquent également la prétendue pertinence d’un unique état-major opérationnel sur un théâtre, dans lequel toutes les fonctions seraient intégrées, au risque de créer une gigantesque « usine à gaz » où se dilueraient les expertises et les compétences. Le succès de l’OIR et de sa structure de commandement milite, au contraire, pour la différenciation fonctionnelle, entre force interarmées et composantes de force d’une part, et entre niveaux d’autorité d’autre part. Le mode de fonctionnement de l’OIR permettait en effet à chaque autorité d’exercer pleinement (et seulement) les responsabilités propres à son niveau et pour lesquelles elle disposait de l’expertise adéquate. Ainsi, sur un modèle comparable à celui de l’OIR, l’Armée de l’air a fait le choix de créer en France une structure de commandement et de contrôle des opérations aériennes conduites hors du territoire national, le FRA JFAC (France - Joint Force Air Component), capable de tenir les fonctions de composante aérienne pour plusieurs théâtres à la fois, au profit des commandants de forces (Comanfor) correspondants. Mais son succès dépend de la bonne compréhension par tous, de la relation particulière que cela exige entre le commandant du FRA JFAC et les Comanfor, dès la phase de conception de la manœuvre interarmées par ceux-ci. Cette relation ne saurait se réduire au rôle réducteur de simple exécutant.
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