Faut-il recréer un service national ?
Faut-il recréer un service national ?
La récente nomination d’un Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale, chargé de la jeunesse et de la mise en place du service national universel (SNU) marque une nouvelle étape dans ce projet annoncé au printemps 2017 par Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle (1). Derrière cette proposition initiale se posait une question de plus en plus sensible autour de la cohésion nationale que les attentats de 2015 avaient ébranlée. La montée du communautarisme renforcé par un Islam salafisé, la perte de contrôle de certains quartiers et la hausse de la délinquance liée aux trafics de drogue démontraient cette dérive inéluctable d’une partie de la jeunesse. Il convenait donc d’y faire face et apporter une réponse à ces défis, remettant en cause les fondements civiques de la République.
Une vingtaine d’années plus tôt, alors que l’Europe considérait que les menaces issues de la guerre froide avaient disparu, le président Chirac décidait de suspendre l’appel sous les drapeaux et de passer à un modèle d’armée entièrement professionnelle. Ce choix mettait ainsi fin à un système centenaire qui avait contribué à forger l’identité Républicaine, en particulier avec la Grande Guerre dont nous commémorons le Centenaire.
Le Club « Participation et Progrès », animé par Pierre Pascallon, avait déjà travaillé sur cette question à travers plusieurs colloques et publications. On ne peut dès lors que se réjouir de cette nouvelle contribution autour du projet du SNU.
En effet, la proposition du candidat s’est depuis transformée en un véritable projet qu’il convient désormais de mettre en œuvre en répondant aux questions : pourquoi faire et comment ?
Les actes publiés ici sont issus du colloque organisé le 12 février 2018 à l’École militaire sur cette thématique : ils contribuent ainsi non seulement à alimenter le débat sur les futures modalités mais aussi à s’interroger sur le besoin et à réfléchir plus largement sur le lien entre la protection de la Nation, le devoir de citoyenneté par son apprentissage, et le rôle et la place de la jeunesse.
D’où l’intérêt des nombreuses contributions ainsi rassemblées qui permettent dans un premier temps de mieux resituer ce que fut la conscription avec désormais un peu de recul historique (2), évitant une vision nostalgique et déformée sur une réalité – devenue un mythe – qui eut ses difficultés et ses contestations, et dans un second temps, de réfléchir à un service qui ne doit pas et ne peut pas être une copie du système précédent essentiellement militaire même si les formes de service civil s’étaient multipliées. Cela signifie imaginer autre chose de différent, original, attractif, utile et dont la finalité n’est plus la défense de la France. D’où l’extrême difficulté de cette ambition légitime mais dont la mise en œuvre sera complexe, délicate et coûteuse (3). Il convient donc d’avoir un débat très large en ralliant le maximum d’acteurs – sans oublier la jeunesse – en proposant un nouveau modèle qui suscite l’adhésion et soit légitime. Quadrature du cercle ?
Dans tous les cas, il faut saluer ici le travail présenté qui permet, en dehors des polémiques inutiles, de présenter un panel d’avis autorisés et pertinents qui contribueront à la maturation d’un projet certes difficile à mettre en œuvre mais qui semble aujourd’hui plus que jamais nécessaire pour reconstruire une vraie citoyenneté et contribuer à donner un sens à la République tout en poursuivant la construction du « projet France ». ♦
(1) Il n’était pas le seul candidat d’ailleurs à proposer le rétablissement d’un service obligatoire. Des candidats de droite et de gauche ont inclus cette idée dans leur programme présidentiel.
(2) En considérant l’année 1905 comme le départ du service militaire obligatoire pour tous les hommes.
(3) Le risque est que les modalités techniques et la logistique nécessaire ne deviennent des contraintes impossibles à surmonter, faute de ressources budgétaires et humaines suffisantes.