Editorial
Éditorial
À l’heure où les réseaux sociaux remettant en cause les différentes hiérarchies en proposant un ersatz de forum pseudo-démocratique, le paradoxe actuel – illustré par la crise des Gilets Jaunes – est à la fois la quête d’autorité et le refus de celle-ci. Comme si le gaulois réfractaire à l’ordre allait vaincre les légions romaines à coup de potion magique. Comme lorsque la furia des cuirassiers français allait renverser les bataillons prussiens capables de manœuvrer parce que commandés avec une redoutable efficacité tactique. Or, notre histoire a toujours démontré que la bravoure et le courage ne suffisaient pas pour gagner la bataille et qu’il fallait y rajouter l’intelligence et le charisme basé sur l’exemple du chef – des chefs, du Sommet de l’État au caporal.
Plus que jamais, pour répondre aux défis de demain, la formation et le commandement sont l’ADN de notre système militaire et constituent un défi permanent avec une double tentation : reproduire un système maîtrisé et donc considéré comme fiable ou innover en estimant que le lien au passé est un frein à la modernité. De fait, la réponse se doit d’être plus subtile comme le montre le dossier de ce mois avec des approches d’ailleurs différentes et pouvant poser question, ouvrant ainsi le débat sur la finalité de la formation au commandement avec l’équilibre délicat entre militarité et civilianisation académique. Cela impose une réflexion permanente sur nos besoins opérationnels en n’oubliant jamais que notre environnement politique et stratégique est en pleine mutation. Ainsi, nos jeunes élèves-officiers qui viennent de rentrer en École sont nés en 2000. Ce seront les colonels de 2040 et les généraux de 2050. Il faut donc leur donner – à défaut de boule de cristal ou d’IA dévoyée – les capacités de comprendre ces mutations et d’être des chefs capables d’évoluer et de décider dans l’incertitude.
Cette incertitude se reflète ici dans les articles proposés en « Opinions » ou dans les « Approches régionales ». Aux équilibres classiques déclinés jusqu’à la fin de la guerre froide, aujourd’hui, l’hybridité des crises et des conflits remet en cause les principes traditionnels de la guerre si bien définis en son temps par Foch. Plus que jamais, c’est bien la perception de l’action par les différents protagonistes qui lui donne son sens ; au risque de construire une image déformée de la réalité. Ainsi, une victoire tactique peut se transformer en défaite stratégique. D’où l’impérieuse nécessité du dialogue entre les chefs militaires et l’autorité politique pour que la mission soit clairement définie dans la durée et que les moyens nécessaires soient consentis. C’est le prix à payer pour gagner la guerre. Cela passe aussi par la formation de nos élites politiques sur les questions de défense et là, le débat est ouvert. ♦