Demain la Chine : démocratie ou dictature ?
Demain la Chine : démocratie ou dictature ?
La Chine a toujours exercé une fascination pour de multiples raisons. Il suffit de penser aux récits de Marco Polo ou aux chinoiseries du XVIIIe siècle. Son histoire millénaire, sa civilisation et ses dimensions hors normes lui confèrent une place à part sur l’échiquier mondial. L’Empire du Milieu a suscité à la fois admiration mais aussi interrogations. Son incapacité à se moderniser réellement au XIXe siècle, à la différence du Japon de l’ère Meiji, lui a coûté très cher en le mettant sous la coupe de puissances extérieures. Cette éclipse a pesé et pèse encore sur la mentalité chinoise, considérant cette période comme humiliante.
Avec l’instauration en 1949 de la République populaire de Chine, une nouvelle page s’est ouverte, s’inscrivant en rupture avec les décennies précédentes sous la férule d’un maoïsme marxiste, totalitariste et déstructurant. Un maoïsme qui a notamment suscité une fascination morbide dans une partie de l’intelligentsia française voyant dans le Grand Timonier un leader anticolonial et porteur d’un progrès social et politique. La réalité a été tout autre et le régime a d’abord été dictatorial et très inefficace dans la modernisation du pays.
La période suivante a débuté en 1979 avec Deng Xiao Ping qui a engagé la transformation économique, tout en maintenant un régime autoritaire et dont la violence s’est concrétisée lors de la répression de Tian’anmen au printemps 1989. Mais la révolution capitaliste en cours, transformant la Chine en usine du monde importait plus que la place et l’expression de la contestation politique. L’essor économique spectaculaire a permis à la fois d’imposer le pays comme atelier du Monde mais également de sortir la population chinoise de la pauvreté et de développer une classe capitaliste très riche dépendante du pouvoir et une moyenne bourgeoisie avide de consommation privilégiant son bien-être, sans revendiquer une quelconque liberté politique, contrairement à la croyance commune en Occident envisageant une démocratisation du régime. En effet, il y avait une forme de consensus intellectuel considérant, après l’échec du système économique marxiste, que capitalisme et démocratie fonctionnaient ensemble. La Chine aurait dû donc suivre ce mouvement.
Or, il n’en est rien et c’est bien le mérite du livre de Jean-Pierre Cabestan de démontrer qu’il est très peu vraisemblable à court terme qu’il y ait une libéralisation du régime. Son expertise lui permet d’aller en quelque sorte à rebours de certaines idées très en vogue ici, d’ailleurs alimentées par une propagande chinoise habilement dirigée depuis Pékin. De fait, son analyse du système politique chinois confirme le maintien d’un pouvoir autoritaire sous la tutelle absolue du Parti communiste, ce qui n’empêche pas le PCC de soutenir sans réserve la modernisation économique du pays. C’est d’ailleurs ce qui a été réaffirmé sans aucune ambiguïté par Xi Jinping lors du 19e congrès du PCC en octobre 2017. Il faut également souligner un nouvel aspect selon l’auteur avec le fait que Pékin reprend l’offensive idéologique en voulant démontrer la pertinence de son modèle politique, applicable ailleurs, récusant le besoin d’un système démocratique pour répondre aux aspirations du peuple. C’est ainsi un vrai défi qui est lancé au « Vieux Monde », considérant que celui-ci est désormais périmé face aux défis de demain. Il en est de même des institutions internationales elles aussi remises en cause par Pékin, qui propose ses propres organisations comme l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ou ses projets autour des nouvelles Routes de la Soie, avec des financements clés en mains de programmes d’infrastructures, créant un lien de dépendance et de clientélisme pour les pays bénéficiaires des crédits chinois.
Il convient, selon Jean-Pierre Casbestan, d’être plus vigilant et de bien se rendre compte que la Chine a un projet impérial, voire impérialiste, qu’elle impose assez subtilement et qu’elle l’inscrit dans la durée, y compris en se projetant jusqu’en 2049 pour le centenaire de la création de la RPC. Il ne s’agit certes pas de tout remettre en cause mais bien d’être plus lucide et de ne pas laisser faire sous prétexte qu’il y a des marchés potentiels. Cela exige plus de réciprocité et de courage pour affirmer nos valeurs démocratiques face à un régime qui, en l’état actuel, n’est pas près de se transformer. ♦