L’IA est structurante pour l’Armée de l’air et son avenir. En démultipliant les capacités de recueil de données et d’analyse, l’IA répond au besoin d’innovation permanente qu’implique la troisième dimension. Elle permet de gagner la bataille du temps et de la connaissance, facteurs premiers de la supériorité aérienne.
IA et puissance aérospatiale, implications pour l’Armée de l’air
AI and Aerospace Power—implications for the Air Force
AI concerns the future structure of the Air Force. By increasing capabilities for acquisition and analysis of data AI answers the need for the permanent innovation involving the third dimension. It helps win the battle for time and knowledge—prime factors for air superiority.
Il y a près de soixante-dix ans débutaient les premiers travaux consacrés au développement des technologies de l’intelligence artificielle (TIA), aujourd’hui définie comme un « champ interdisciplinaire théorique et pratique qui a pour objet la compréhension de mécanismes de la cognition et de la réflexion, et leur imitation par un dispositif matériel et logiciel, à des fins d’assistance ou de substitution à des activités humaines » (1). L’essor prodigieux de ces technologies au cours des dernières années en a fait un levier majeur de supériorité. Ainsi, à la manière de Clément Ader conjecturant en 1909 que « sera maître du monde qui sera maître du ciel » (2), certains leaders contemporains affirment une vision des TIA qui révèle une même ambition hégémonique (3) : atteindre par la maîtrise des TIA un ultime horizon de suprématie (4).
Portées par les mêmes enjeux de puissance synonymes d’investissements, TIA et aéronautique résultent d’une même ambition créatrice : elles procèdent toutes deux d’une approche biomimétique, ayant ouvert la voie à des technologies bio-inspirées, dans une dynamique du dépassement. On retrouve ainsi dans le Codex (5) de Léonard de Vinci des observations du milan noir lui inspirant les premières théories du vol et une esquisse de machine volante. À l’identique, les pionniers des TIA ambitionnaient d’imiter avec des machines les compétences cognitives humaines sous quelques décennies, ambition originelle à laquelle fait écho le dialogue actuel permanent entre TIA et sciences cognitives (6). L’essence commune des TIA et de l’aéronautique les prédispose à une forte symbiose, en prolongement de la voie tracée par les précurseurs des TIA (calculateurs, systèmes experts, automates, moyens de modélisation et de simulation) structurant l’aéronautique moderne et le spatial. La propension humaine à abolir les frontières physiques et intellectuelles oriente ainsi prioritairement le développement des TIA vers les domaines aérien et spatial, comme en témoigne la forte croissance du nombre de brevets ces dernières années (7). Disposer des TIA permettant de dominer ces milieux, ainsi que les champs du registre cognitif ou informationnel (espace cyber, numérique, champ symbolique, perceptif), constitue un enjeu clé, de portée stratégique. Parmi les multiples effets pressentis de la rupture qui s’annonce avec les TIA, certains concernent directement le domaine militaire, susceptible de changements profonds liés à une mutation des caractéristiques de la conflictualité (8), concernant au premier chef la puissance aérospatiale.
Au-delà de considérations techno-centrées, objets d’une certaine fascination dystopique, les TIA s’invitent avant tout dans les enjeux de puissance sous l’impulsion de facteurs géopolitiques. Il s’agit tout d’abord de l’accélération informationnelle, engendrée par la facilitation globale des échanges et des communications, sur laquelle s’exerce une forte pression temporelle, et qui génère des volumes de données colossaux à un rythme exponentiel. Cette accélération va de pair avec la concentration urbaine, la concurrence d’accès aux ressources et un besoin constant d’amélioration des rendements énergétiques.
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