Le débat sur les « armes autonomes », dont les SALA, est intense depuis une décennie au fur et à mesure des avancées de l’IA et des technologies de la robotique. Les ONG anglo-saxonnes y sont très actives et influentes. Il importe donc que la France soit présente dans ce champ de réflexion pour conserver son autonomie.
C’est quoi un « robot tueur » ? Dix années de débat sur les armes « autonomes »
What is a Killer Robot? Ten Years of Debate on Autonomous Weapons
There has been intense debate for a decade about autonomous weapons, including autonomous lethal weapon systems, as AI and robot technologies have developed. NGOs in the English-speaking world have been very active and influential in that debate and it is important that France take part in the thought processes in order to preserve its independence.
C’est à l’initiative de la France qu’en novembre 2013 la question des systèmes d’armes létaux autonomes (SALA) est introduite dans le cadre multilatéral de la Convention pour certaines armes classiques (CCAC). Cette action avait été proposée quelques mois plus tôt par le ministre français de la Défense, estimant que l’enceinte de maîtrise des armements hébergée par l’Office des Nations unies à Genève était la plus légitime pour débattre des enjeux éthiques posés par de futurs « systèmes d’armes robotisés à capacité d’ouverture de feu autonome » (2). Depuis, chaque année, se tient une réunion internationale d’experts d’une semaine qui, en 2017, a pris le format d’un groupe d’experts gouvernementaux.
Chaque réunion tenue sur les SALA offre l’occasion aux ONG de la campagne Stop Killer Robots de dénoncer, sans les nommer, « ceux qui poursuivent intentionnellement une stratégie de confusion des débats » (3). Dans les couloirs du palais des Nations, le message est moins sibyllin : « Nous les “bons” (les ONG) qui résistons aux “brutes” (le « complexe militaro-industriel » soutenu par les grandes puissances) accusons la diplomatie des États de “truander” l’opinion publique en jouant une stratégie d’enlisement ». Le Bon, la Brute et le Truand, cela ressemble à un film de Sergio Leone et cette analogie ne serait pas inepte tant la campagne contre les armes autonomes se joue des stéréotypes et montre qu’aucun de ses acteurs n’est totalement désintéressé, même ceux qui affirment avoir le bien de l’humanité pour unique motivation.
Du système d’armes téléopéré au robot autonome, de quoi parle-t-on ?
2009 est une année clef dans la prise de conscience internationale des enjeux inédits posés par les usages militaires de la robotique et du numérique. En France, la « robotique autonome à usage militaire » est l’un des sujets qui motivent la proposition de création d’un comité d’éthique en sciences et technologies du numérique (4). Cette prise de conscience s’exprime surtout aux États-Unis qui sont la première puissance militaire (avec Israël) à avoir massivement investi dans les technologies dites unmanned (sans homme à bord). Aucun système robotisé n’est déployé lors de l’entrée des troupes américaines en Irak en 2003 ; cinq ans plus tard, elles disposent déjà de plus de 7 000 drones aériens et 12 000 robots terrestres (5). La plupart de ces systèmes ne sont pas armés et, s’ils le sont, l’opérateur humain qui agit à distance reste maître du ciblage et de l’ouverture du feu.
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