L’Europe est dans le désarroi stratégique, dans un environnement international devenu délétère. Il est urgent de réaffirmer le besoin d’une défense européenne légitime et crédible. Le défi à relever est immense et nécessite beaucoup d’efforts de conviction. La France, allante dans ce domaine, prendra ses responsabilités.
Le désarroi européen
European Disarray
Europe is in strategic disarray within a deleterious international environment. Reaffirmation of the need for legitimate and credible European defence is urgently needed. The challenge to be faced is immense and requires much effort and conviction. France is active on this issue and will take on its responsibilities.
Le désarroi, ce sentiment qui combine en un même mot la confusion qui l’a fait naître et la détresse qu’il produit, s’est emparé des Européens. Face à l’adversité et minés par leurs dissensions, ils pâtissent d’une perte de repères pour penser leur place dans le monde et sont en manque de solutions pour réparer une Union européenne en crise. Découragés, ils sont tentés de s’abonner au statu quo et de cultiver leur quant-à-soi national, ce qui serait suicidaire.
Pourquoi commencer ce cycle de conférences consacré à l’affirmation stratégique des Européens, c’est-à-dire prosaïquement à la relance de la politique de défense et de sécurité européenne, sur une note aussi psychologisante ? L’approche en science politique apparaît plus que datée. Il est loin le temps où André Siegfried auscultant « l’âme des peuples » (1) se livrait à des analyses aussi pertinentes qu’embarrassées de lieux communs.
En l’occurrence, il ne s’agit pas ici de réhabiliter une méthode d’observation mais de s’intéresser aux préjugés. De façon générale, les lieux communs qui sont des carrefours de l’opinion constituent des points de départ propices aux réflexions. Finalement, tout le monde s’y retrouve. L’erreur est d’accréditer les idées communes parce qu’elles sont répandues, pas de chercher à les comprendre. Or, la construction européenne, en particulier en matière de sécurité et de défense, est un processus politique surplombé, dès l’origine, par de forts préjugés (le dépassement de la guerre, la conjuration de la puissance, la repentance de nations belliqueuses, la réconciliation franco-allemande, l’abolition des frontières, le caractère intangible de la garantie américaine de sécurité, la non-duplication des moyens par rapport à ceux de l’Otan…). Pour permettre à la politique de sécurité et de défense (PSDC) de prendre son envol, au nom de ces principes et à force de compromis, on lui a paradoxalement bridé les ailes.
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