La coopération franco-allemande dans le champ de la défense est déjà ancienne avec quelques succès mais aussi beaucoup de non-dits en raison de profondes divergences quant aux objectifs stratégiques et aux intérêts économiques et industriels. Les symboles sont plus nombreux que les engagements opérationnels communs.
Coopération franco-allemande de sécurité et de défense et autonomie stratégique européenne
Franco-German Cooperation in Security, Defence and European Strategic Autonomy
Franco-German cooperation in the field of defence goes back a long way and has led to a number of successes but much has also been left unresolved because of fundamental differences over strategic objectives and economic and industrial interests. Symbolism has the edge by far over real, common operational commitments.
Signé par la France et l’Allemagne le 22 janvier 2019 à l’occasion du 56e anniversaire du traité de l’Élysée, le traité d’Aix-la-Chapelle fournit un repère important à qui entreprend de réfléchir à la relation bilatérale, sous l’angle plus particulier de la coopération de sécurité et de défense (1). En 1963, le traité de l’Élysée avait pour ambition la réconciliation entre les deux pays. Aujourd’hui, il s’agit d’affermir la convergence franco-allemande, afin que Paris et Berlin puissent travailler ensemble à une Europe plus forte.
Du fait de l’évolution du contexte stratégique international, la question jusqu’ici latente du rôle de l’Europe en matière de sécurité s’est trouvée projetée au premier plan. À cette occasion, dirigeants français et allemands n’ont pas manqué de souligner l’intérêt pour l’Union européenne (UE) d’une plus grande autonomie stratégique. En réalité, s’il existe une volonté politique, à Paris comme à Berlin, de nourrir des ambitions communes, les différences de culture stratégique demeurent, qui sont souvent autant d’obstacles à une coopération significative. À la lumière de ces différences, reste à savoir si la coopération franco-allemande dans le domaine de la sécurité et de la défense est ou non à même de faire office de tremplin sur la voie d’une plus grande autonomie stratégique européenne.
L’importance du partenariat franco-allemand ne doit pas être sous-estimée. La raison impose cependant de discerner les pierres d’achoppement qui jalonnent le chemin de toute action sérieuse. Il n’est pas, au sein de l’UE, d’autre partenariat bilatéral capable d’afficher une telle concentration de ressources, de savoir-faire et de potentiel industriel. Autrement dit, la France et l’Allemagne sont des acteurs essentiels, car il leur suffirait de s’accorder sur une ligne de conduite pour faire concrètement progresser le débat européen et susciter une évolution politique dont profiterait l’ensemble du continent. La France et l’Allemagne présentent en outre assez de différences quant à leur tempérament politique et à leurs préférences respectives pour qu’une fois arrêtée une position commune, la plupart des autres États de l’UE puissent sans difficulté trouver matière à s’y associer. De fait, pour aller de l’avant, Français et Allemands sont souvent obligés de transiger, ce qui convient à la plupart des acteurs politiques extérieurs. Par ailleurs, cette relation bilatérale est fortement institutionnalisée, et la toile des interactions intergouvernementales singulièrement dense. Ainsi, les responsables d’état-major, ministres de la Défense, ministres des Affaires étrangères, chefs de gouvernement et chefs d’État se rencontrent-ils régulièrement en vertu d’un calendrier bien établi ; de même, à moindre niveau, quantité de réunions de coordination concourent à l’identification des mesures à prendre, au suivi de leur mise en œuvre et à la présentation des progrès accomplis. Au fil du temps, l’ensemble et la répétition de ces interactions devraient permettre de renforcer la confiance, la compréhension et la dynamique mutuelles.
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