Contrairement aux attentes des années 1990, l’Europe n’a pas réussi à créer une réelle cohésion et cohérence entre les États-membres. Une fracture s’est dessinée peu à peu entre les pays anciennement sous la tutelle de l’URSS et l’Ouest avec des divergences profondes sur les valeurs et le projet européen.
Le retour d’un « mur » entre l’Est et l’Ouest freine l’affirmation stratégique de l’Europe
The Return of a ‘Wall’ between East and West Hinders Europe’s Strategic Aspirations
Contrary to expectations of the nineteen-nineties, the European Union has not succeeded in creating true cohesion and coherence among its member states. A rift has gradually been created between those countries formerly under dominance of the USSR and those of the West, with profound differences over values and the European project.
Le retrait américain d’Europe. La fragilisation du lien transatlantique depuis Barack Obama et Donald Trump. L’affirmation de nouvelles puissances – Russie, Chine, Iran, Turquie… – qui déstabilisent l’ordre géopolitique issu de la Seconde Guerre mondiale et se réarment massivement. L’affaiblissement des valeurs démocratiques dans le monde. En théorie, tout devrait concourir à l’affirmation stratégique du continent européen. Celle-ci peine pourtant à voir le jour. Et parmi les nombreux obstacles à ce projet porté notamment par la France, il est un frein puissant quoique pas toujours pris à sa juste valeur par Paris et Berlin, c’est la division entre l’Est et l’Ouest du continent.
Avec la disparition de la guerre froide et la chute du communisme, l’« Est » avait progressivement disparu des dictionnaires stratégiques du continent, au profit de qualificatifs moins connotés politiquement, « Europe centrale » et « Europe orientale ». Séparées par un mur que nul ne pouvait franchir pendant plusieurs décennies, les deux parties de l’Europe se sont retrouvées avec joie et émotion au début des années 1990, comme deux amants trop longtemps séparés. C’était le temps du « retour à l’Europe », slogan longtemps crié par les adversaires du communisme et qui fut aussi chanté pendant la « révolution de velours » à Prague en 1989. La réunification du continent annonçait aussi, selon le politologue américain Francis Fukuyama, la « fin de l’histoire ». Avec la disparition de l’URSS, l’élargissement de l’Union européenne devenait une évidence morale, politique et culturelle. En se pacifiant, l’Europe allait redevenir un continent homogène, dont les normes et les acquis seraient également partagés par tous ses membres. Un continent loin des chaos du monde, qui serait uni et fort, et se donnerait les moyens de défendre ses valeurs si elles étaient menacées et même de les propager sur les autres continents, pour y faire pousser les graines de la démocratie et de la paix.
Mais les illusions ont une fin et la lune de miel intra-européenne n’aura duré que quelques années. On la croyait aux oubliettes de l’histoire, mais « l’Europe de l’Est » a fait son retour dans le vocabulaire, au même titre d’ailleurs que « l’Occident ». Les promesses de la période post-soviétique et la domination du modèle américain, le triomphe de l’économie de marché avaient masqué pendant un temps l’importance du défi immense que représentait la convergence des deux Europe. La réalité s’est chargée de le rappeler. Trente ans après la fin de la guerre froide, l’incompréhension est de retour, comme le clivage entre les deux parties du continent.
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