Le lien transatlantique a construit les mentalités américaines avec comme substrat les principes des Lumières, le respect intransigeant de la liberté individuelle. Or, les divergences idéologiques sont aujourd’hui une réalité inquiétante avec la remise en cause de cet universalisme longtemps commun.
Les tribulations du lien transatlantique
The Tribulations of the Transatlantic Link
The Transatlantic link was instrumental in the creation of American mentalities based on the principles of the Lumières and the absolute respect of individual freedom. Nevertheless, ideological differences have now become a source of concern, since they call into question these long-accepted universal, common beliefs.
Interdites en France, les statistiques ethniques sont autorisées aux États-Unis. Sur la base de questionnaires auto-déclaratifs, le Bureau du recensement est donc en mesure d’affirmer qu’à partir des années 2040, la population américaine d’origine européenne sera devenue minoritaire. Le pays comptera alors une majorité d’habitants issus des minorités afro-américaine, latino ou asiatique. Par ailleurs, les équilibres géopolitiques voient basculer le centre de gravité du monde vers l’Asie et la puissance chinoise. Le président Obama avait ainsi lancé en 2013 un mouvement de « pivot vers l’Asie » censé préparer les forces diplomatiques, militaires et économiques de l’Amérique au nouvel ordre mondial du XXIe siècle.
Dans ce contexte, le débat ancien sur le maintien du lien transatlantique reprend une certaine actualité. Les États-Unis et l’Europe vont-ils pouvoir maintenir leur lien privilégié fondé sur l’histoire et une communauté de valeurs ? Côté européen, ce sujet donne lieu à des interrogations angoissées, les nations du Vieux Continent craignant un éloignement des États-Unis qui affaiblirait leur influence et leur sécurité. Ces réflexions sont d’autant plus importantes que les « valeurs transatlantiques » tant exaltées par les dirigeants des deux rives de l’Atlantique font aujourd’hui l’objet de plusieurs remises en question.
Peuplement et Lumières : une double filiation
Le premier lien transatlantique tient à l’histoire du peuplement du continent nord-américain. À partir du XVIe siècle, les Amérindiens sont balayés par l’arrivée des Européens. Les Britanniques sont les premiers à créer des colonies de peuplement sur la côte Est de ce qui deviendra les États-Unis, établissant de grandes exploitations de tabac au Sud ainsi que des communautés à visée religieuse au Nord. La Grande Migration, entre 1620 et 1640, voit ainsi arriver 20 000 pèlerins protestants en Nouvelle Angleterre. Les autres pays d’Europe fourniront à leur tour de larges contingents d’immigrants au XIXe siècle. Aujourd’hui, 45 millions d’Américains revendiquent une origine allemande, 36 millions une origine irlandaise, 24 millions anglaise, 17 millions italienne ou encore 9 millions polonaise (1), sur un total de 325 millions d’habitants en 2018. À cette date, 60 % de la population américaine déclare être d’origine « européenne non hispanique » (2). Par ailleurs, 70,6 % de la population se dit chrétienne, majoritairement protestante (le pays compte 20,8 % de catholiques) (3).
Il reste 83 % de l'article à lire
Plan de l'article