Pendant cinquante ans, les forces des deux blocs furent au contact direct en Méditerranée, un théâtre stratégique de la guerre froide. À la fin de celle-ci, en 1991, chacun espérait que la Méditerranée allait devenir un havre de paix et un pôle de développement. Il n’en fut rien, d’abord du fait d’une question palestinienne enkystée en Israël qui divisait les riverains et leurs parrains. Ensuite, on eut la crise régionale déclenchée par la vague des révoltes arabes contre les régimes autoritaires en Tunisie, Égypte, Libye et Syrie. Enfin, ce fut la guerre à mort conduite par le fondamentalisme musulman pour rétablir le califat au Levant. Ces trois crises régionales violentes ont entretenu, depuis plus de vingt ans, un climat de forte tension en Méditerranée.

Pourtant, ce qui importe surtout aujourd’hui pour la France en Méditerranée, l’un des espaces de son environnement stratégique direct, c’est le vent de réforme qui balaye le Maghreb et l’issue espérée du mouvement en cours en Algérie. On va trouver ici un regard de stratégiste attentif ⁽¹⁾.

La Méditerranée, un théâtre médian effervescent

La Méditerranée a marqué profondément la France dès les origines. Ses racines phéniciennes, grecques, romaines et maures sont aussi profondes que les celtes, normandes, flamandes et rhénanes. À la pointe occidentale du continent eurasien, face à l’Atlantique, la France eut aussi cette façade méditerranéenne qui ouvre au Sud sur l’Afrique du Nord et, via Suez, sur l’Indien et l’Asie, et leurs larges perspectives. Aussi la posture méditerranéenne de la France fut-elle l’une des clés de sa stratégie générale. Ses politiques arabe et africaine l’ont illustré hier, la voie euro-méditerranéenne cherche aujourd’hui à la structurer mais en vain tant la Méditerranée reste rétive aux projets d’intégration stratégique.