La politique étrangère de l’Espagne, depuis 1978 et le retour de la démocratie, s’est renforcée en donnant à Madrid un rôle sur la scène internationale avec une approche multilatérale. Après une décennie compliquée (2008-2018) économiquement, l’Espagne doit repenser ses orientations et assumer de nouvelles ambitions.
L’Espagne et la Méditerranée : les défis d’une politique étrangère pour une démocratie
Spain and the Mediterranean: Foreign Policy Challenges for a Democracy
Since the return of democracy in 1978, Spanish foreign policy has been boosted by a multilateral approach intended to give Madrid a role on the international stage. Following an economically difficult decade from 2008 to 2018, Spain needs to revisit its aims and take on new ambitions.
Les historiens des relations internationales ont mis en lumière depuis bien longtemps déjà que la politique étrangère d’un pays relevait d’une approche globale de sa position dans l’espace, de ses caractéristiques essentielles et de ses ambitions politiques. Se conjuguent ainsi des invariants – la position géographique – et des facteurs de changements – le régime et les acteurs politiques, les valeurs d’une société, l’état de l’économie. Or, depuis 1975, ces facteurs de changement ont été d’une telle intensité que l’Espagne, qui s’attache à penser sa stratégie internationale dans le cadre de ses nouvelles institutions démocratiques, n’est plus la même.
Entre 1973 et 1975, le franquisme, qui disposait d’une politique étrangère mais sans doute pas de stratégie complète, entre dans une double crise interne et extérieure. À l’affaiblissement physique du général Franco et à la violence de la contestation intérieure qui réussit, sous la forme du terrorisme de l’ETA, à assassiner le chef du gouvernement l’amiral Luis Carrero Blanco (20 décembre 1973), s’ajoutent la réprobation internationale de l’année 1975 à la suite de la condamnation à mort de membres de l’ETA ainsi que l’offensive du roi Hassan – la marche verte – pour se saisir du Sahara espagnol. La grande manifestation de soutien à Franco, le 1er octobre 1975, place d’Orient, met en lumière le nouvel isolationnisme espagnol… À moins qu’il ne s’agisse que du maquillage de l’isolement du pays. La mort de Franco le manifestera crûment : seuls le général Pinochet (Chili), le roi Hussein de Jordanie, le prince Rainier de Monaco et Imelda Marcos, l’épouse du Président philippin et le vice-président américain Nelson Rockfeller étaient présents.
Aujourd’hui, plus personne ne conteste à l’Espagne le statut de « puissance moyenne régionale au rayonnement international vers l’Amérique latine, l’Afrique du Nord, la Méditerranée et l’Europe du Sud » (1). Cette position est donc un acquis de la démocratie espagnole qui a vu le pays sortir de sa marginalité politique et culturelle pour intégrer le groupe des puissances occidentales et européennes. Derrière l’apparente généralité de cette affirmation, il faut rappeler les réalités qui sont sous-jacentes : l’adhésion à l’Otan en 1982 et l’entrée dans la CEE effective au 1er janvier 1986. Pour un pays qui n’avait pas été invité à être membre fondateur de l’ONU (2), cette inscription dans le multilatéralisme ne permet pas seulement la reconnaissance de la normalisation du pays, mais aussi le dote d’une armature stratégique et conceptuelle qui peut lui donner les moyens de peser sur les affaires du monde.
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