Il y a peu, j’ai eu l’honneur d’embarquer sur deux des fleurons de notre Marine nationale, la frégate multimissions (Fremm) Languedoc, et le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Le Triomphant, ce qui m’a permis pour quelques jours de partager la vie des équipages à bord.

Dans les deux cas, on peut parler d’« immersion », même si s’agissant d’un bâtiment de surface cela peut paraître incongru au premier abord ; pourtant, tout responsable politique qui a eu la chance – et pris le temps – d’embarquer comprend ce que cette métaphore a de juste, ce que ce changement de milieu a de radical. En effet, embarquer, c’est avant tout échanger avec nos marins, partager un peu leur vie et apprendre beaucoup de leur travail, de leurs missions et des capacités de leur bateau. Mais c’est aussi, pour l’homme politique auquel l’embarquement permet de se soustraire quelque temps aux exigences d’immédiateté de la vie publique, l’occasion d’une prise de recul, d’un changement de point de vue radical et, pour tout dire, propice à la réflexion sur la défense des intérêts de la France.

Qui tient la mer, tient le monde

Dans le fond, Sir Walter Raleigh avait fort bien résumé les choses : « Qui tient la mer, tient le commerce ; qui tient le commerce mondial, tient la richesse du monde et, par conséquent, le monde lui-même ⁽¹⁾. » En d’autres termes : toute puissance passe par la maîtrise des mers. Dans une récente conférence à l’Académie de marine ⁽²⁾, le professeur Christian Buchet a présenté les travaux d’un intéressant programme international de recherche qu’il dirige et qui montre comment la prédominance maritime peut être vue comme le facteur clef des basculements géopolitiques.