Les bombardiers stratégiques russes jouent un rôle important pour Moscou qui affirme sa puissance retrouvée. Certes, l’outil n’est pas totalement modernisé mais l’aviation à long rayon d’action constitue un levier important pour la diplomatie russe et bénéficie d’une sanctuarisation budgétaire de la part du Kremlin.
L’instrument de puissance de la diplomatie aérienne russe
The Power of Russian Airborne Diplomacy
Moscow is once again demonstrating its power, pursuing a policy in which strategic bombers play a significant role. The bomber force is far from modernised, but aviation with a long operational range is a major lever for Russian diplomacy and is supported by the Kremlin with a ring-fenced budget.
Un bombardier stratégique est un aéronef de pénétration à long ou moyen rayon d’action conçu pour l’emport d’armements air-sol qui vise à dégrader ou anéantir les capacités de l’ennemi à conduire la guerre ainsi qu’à le dissuader de la faire. À l’inverse des bombardiers tactiques, des aéronefs de reconnaissance ou des chasseurs-bombardiers multirôles, conçus pour l’ensemble des opérations aériennes conventionnelles, comme l’interdiction de l’espace aérien ou l’appui aérien des troupes au sol, les bombardiers stratégiques sont conçus pour frapper l’ennemi en son territoire et détruire des objectifs stratégiques. Aujourd’hui, seuls les États-Unis, la Russie et la Chine conservent une flotte de bombardiers stratégiques (1).
Un moyen crédible de dissuasion
Les forces armées russes ont les moyens de réaliser des frappes nucléaires contre des cibles civiles ou militaires de haute valeur de l’Alliance atlantique, aussi bien aux abords immédiats de la Russie qu’en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, grâce aux positionnements judicieux des armes nucléaires et des plateformes pour les délivrer. La Russie est en mesure d’utiliser son arsenal nucléaire tactique ainsi que ses armes stratégiques en vue d’effectuer des frappes préventives depuis les trois milieux. Les forces aériennes russes (VVS) opèrent sur trois modèles de bombardiers stratégiques qui dépendent tous du « Dal’nyaya Aviatsiya », commandement de l’aviation à long rayon d’action, basé à Moscou au sein de la 37e armée aérienne du Suprême haut commandement. Les différents escadrons sont répartis sur le territoire russe dans ces bases aériennes : Engels, Shaykovka, Olenyegorsk Seryshevo, Irkutsk, Dyagilevo. Les bases arctiques suivantes participent à une couverture complète du territoire : Mozdok, Tiksi, Vorkuta et Anadir Ugolny. Une estimation précise du nombre de bombardier est difficile, compte tenu de l’opacité qui entoure les données relatives à la disponibilité du parc aéronautique des VVS. Cependant, on estime que la force aérienne stratégique dispose de 70 Tu-22M3, 50 Tu-95MS et d’une quinzaine de Tu-160 opérationnels.
Capacités et intentions
La fréquence des missions de reconnaissance conjuguée avec des exercices de grande ampleur impliquant des avions de patrouille, de commandement et de contrôle aéroporté (C2) A-50U Mainstay, de ravitailleurs Il-78 Midas et de chasseurs escorteurs, révèle le savoir-faire grandissant de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire. Avec des rayons d’action respectifs d’environ 2 500, 5 500 et 7 000 kilomètres, les Tu-22, 95 et 160 offrent l’allonge stratégique nécessaire aux missions de patrouilles lointaines comme au raid de bombardement depuis le territoire russe sur le théâtre syrien. Le Tu-22, bien qu’issu d’un programme datant des années 1950 demeure remarquablement taillé pour la lutte antisurface et notamment contre un groupe aéronaval. Par contre, étant surclassé technologiquement par les B-1B Lancer et B-2 Spirit de l’USAF, il est désormais exclusivement employé en tant que bombardier tactique comme l’ont montré les conflits en Géorgie, en Tchétchénie et en Syrie à partir de fin 2015.
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