La campagne aéroterrestre russe conduite en Syrie à partir de 2015 a été efficace car elle a permis au régime de Damas de reconquérir une partie du territoire. Même si les moyens russes étaient peu perfectionnés, ils ont été performants en combinant les effets tactiques. C’est donc un sujet à étudier pour les armées occidentales.
La campagne aéroterrestre russe en Syrie : une approche différente de l’intervention extérieure ?
The Russian Air-Ground Campaign in Syria: a Different Approach to External Intervention?
The Russian air-ground campaign conducted in Syria from 2015 was effective in that it allowed Damascus to recover part of Syrian territory. Even though Russian assets were far from perfect, they performed well by combining tactical effects: a subject for Western forces to study.
L’intervention militaire menée par Moscou en Syrie depuis 2015 revêt un caractère paradoxal et fait, en tant que telle, l’objet d’une attention croissante de la part de l’Otan : en effet, il semble qu’à la différence de bon nombre d’interventions occidentales récentes, la campagne russe puisse se targuer d’une réelle efficacité dans la mesure où le Kremlin a atteint, pour un coût raisonnable, bon nombre des objectifs politiques qu’il s’était fixés tout en faisant considérablement progresser ses intérêts dans la région (1). Cette réussite paraît d’autant plus surprenante que les forces russes sortaient à peine de restructurations importantes et accusaient encore un retard technologique conséquent sur leurs homologues occidentales (2): l’expérience tactique ou la supériorité technologique apparaissent donc comme des facteurs insuffisants à expliquer un tel succès. Se pourrait-il alors que certaines spécificités de l’approche opérative adoptée par Moscou aient fait une différence ?
En tout état de cause, il serait vain de suggérer que les modes d’actions russes pourraient être adoptés tels quels par l’Occident, dans la mesure où ils demeurent le prolongement d’une culture politique et stratégique spécifique. Cependant, certains procédés opératifs mis en œuvre par les Russes en Syrie invitent à la réflexion en ce qu’ils remettent en question – par leurs similarités comme par leurs différences – certains présupposés implicites occidentaux. L’objet de cet article consiste donc, tout au plus, à tenter de souligner quelques-unes de ces « dissonances », en espérant que cette mise en relief incite le lecteur à approfondir l’étude de cette campagne. Plus précisément, il tentera de montrer que l’appareil militaire russe a réussi, par une habile combinaison de moyens terrestres et aériens, à mettre sur pied, pour la première fois de son histoire, un complexe de reconnaissance-frappe – ce leitmotiv de la doctrine russe depuis les années 1980 (3)– adapté de manière pragmatique au contexte d’une intervention extérieure.
Territoires contrôlés par les protagonistes du conflit syrien en 2015 et 2019 (4)
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