La révolte du Chiapas
Le 1er janvier 1994, alors que l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) se mettait en place, éclatait au Chiapas une révolte qui paraissait d’un autre temps. Il semble vain de l’assimiler à une nouvelle secousse révolutionnaire semblable à celles qui ont ensanglanté l’Amérique latine. Ce sont des filières toutes récentes qu’il convient d’analyser. L’étude de cette zone trouble est pleine d’intérêt. On y trouve côte à côte les grands thèmes de réflexion : l’attitude des propriétaires, la réalité de la question indienne, la vocation du clergé à la recherche de lui-même, la vérité sur la drogue. Plus près de nous, méritent d’être étudiées la stratégie de l’armée zapatiste, la personnalité du sous-commandant Marcos, la riposte de l’État mexicain ainsi que les résonances dans les autres pays.
Quant aux perspectives d’avenir, elles se partageront en échecs à redouter et en succès à prévoir. Puis nous tenterons de conclure au moment délicat où, en Amérique latine, les groupements régionaux se déterminent dans un océan d’incertitudes.
Une zone trouble
Les seigneurs féodaux
Les seigneurs du Chiapas ont d’abord été les grands propriétaires. Ils ont été favorisés par le président Porfirio Diaz (1876-1911) qui voulait mettre un terme au découpage incessant des propriétés. Pendant la grande révolution de 1910, les soldats laboureurs d’Emiliano Zapata avaient eu comme but suprême de conquérir de la terre ; 60 % des habitants du Chiapas ou Chiapanèques vivaient à la campagne. Un cas particulier affectait les parcelles de terrain ou ejidos : inaliénables, elles étaient confiées en usufruit aux paysans qui étaient par ce moyen original fixés à la terre. Cette réforme avait été inscrite dans la Constitution de 1917 à l’article 27. En 1940, le général Lazaro Cardenas (1934-1940) avait essayé d’accélérer la réforme mais sans succès. Il fallut attendre 1992 pour entendre reparler des ejidos. Elles sont dorénavant vendables et louables ; mais les Chiapanèques sont trop faibles économiquement pour entreprendre des opérations spéculatives sur les propriétés. D’où leur colère !
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