La guerre est en mutation permanente et voit ses règles remises en cause, notamment sur le plan de l’éthique. Plus que jamais, il importe de réfléchir au lien entre efficacité au combat et éthique en construisant une approche structurée pour élaborer une conscience de guerre qui sera légitime et responsable.
Éthique et efficacité : plaidoyer pour une conscience de guerre
Ethics and Effectiveness: a Plea for a Conscience About Warfare
Warfare is constantly changing and its rules challenged, especially those regarding the ethics of war. It is more than ever important to reflect upon the link in combat between effectiveness and ethics by building a structured approach to develop a ‘war conscience’ that is legitimate and responsible.
« Tout acte moral est un acte à la première personne ». Cette affirmation posée par le Livre Vert (1) met en lumière la responsabilité individuelle des actes posés au combat. Convaincue que la façon dont on combat dit quelque chose de ce pour quoi l’on combat, l’armée française a développé une pensée éthique fondée sur la conviction d’humanité (2) et l’idée qu’une victoire obtenue hors de tout cadre éthique ne serait pas tenable sur le long terme. Pourtant, d’autres pensées stratégiques privilégient une logique d’efficacité sur cette approche éthique (3), jugeant que tous les moyens sont valables pour atteindre un objectif de guerre. En effet, la guerre étant un domaine par essence chaotique, il peut être difficile d’y tenir une position éthique. Les actes de guerre eux-mêmes, du niveau politico-militaire aux plus bas échelons tactiques, peuvent souvent paraître immoraux a priori : tuer, détruire, contraindre, dissimuler, mentir, voire nouer des alliances avec des acteurs amoraux ou immoraux, sont des actions sinon souhaitables, du moins souvent nécessaires dans la réalité ultime du combat. De même demain, le développement de nouvelles capacités militaires, l’intégration croissante de robots de plus en plus autonomes, d’intelligence artificielle, l’augmentation potentielle du combattant par la génétique, le développement de nouvelles drogues ou l’introduction d’implants dans l’organisme, ouvrant la voie à une déshumanisation de la guerre, interrogent de façon plus aiguë encore le modèle éthique français.
Une « prime d’efficacité » semble en effet se dessiner au profit du moins-disant éthique, qui dispose d’options bien plus nombreuses de choix capacitaires, tactiques et stratégiques, lui donnant d’emblée un avantage considérable sur un acteur préoccupé de questions morales et s’interdisant le recours à certains procédés. « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains », écrivait en son temps Charles Péguy (4).
Dès lors, comment résoudre cette tension apparente entre efficacité et éthique ? Cette dernière serait-elle ainsi fatalement impuissante ? Est-il encore possible de penser l’éthique de façon opératoire, sans qu’elle ne soit un outil contraignant l’efficacité au combat ?
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