Editorial
Éditorial
Au moment de prendre la plume pour mes vœux 2020, j’ai eu envie de m’intéresser à ceux de mes prédécesseurs en 1940, 1960, 1980 et 2000. Quels messages souhaitaient-ils donner à leurs lecteurs et surtout quels messages d’espérance ?
1940 est assez édifiant : la RDN a six mois d’existence. Elle est née juste avant la déclaration de la guerre, et le Comité d’études de défense nationale (CEDN) formule le vœu qu’en 1940 « la victoire du droit contre la force brutale, de la liberté contre la servitude… » l’emporte pour défendre « notre civilisation occidentale et chrétienne menacée par l’alliance imprévue d’un néo-paganisme germain et d’un matérialisme oriental ».
1960 s’ouvre avec l’espoir d’un tournant décisif de l’après-guerre en faveur de la paix, en souhaitant que 1960 renforce l’idée que 1959 a été l’année de la « coexistence pacifique » amorcée depuis la conférence de Genève en 1955 « … grâce à la conjonction d’un propagandiste hors de pair, M. Khrouchtchev, et à la conviction quasi religieuse, en faveur de la paix, d’un ancien homme de guerre, le président Eisenhower ».
1980 s’ouvre avec un discours du ministre de la Défense, Yvon Bourges, à l’IHEDN, soulignant l’évolution de l’art militaire qui « a conduit à remplacer des armées de masse… par des armées de matériel pour lesquelles les qualités humaines sont, bien sûr, toujours nécessaires, mais dont l’efficacité dépend beaucoup de la qualité technique des matériels ». Alors que les menaces d’une confrontation majeure Est-Ouest semblent s’éloigner, la volonté de doter la France des outils de sa défense, en particulier en s’appuyant sur une industrie forte, s’affirme.
En 2000, le Général Vougny souhaite, à l’aube de ce nouveau millénaire, que la RDN, dans ces colonnes, poursuive la réflexion sur la construction « … d’une Europe prospère, apaisée, maîtresse de son avenir et capable de jouer un rôle de premier plan dans la communauté internationale » face aux puissances émergentes, notamment la Chine et la Russie.
En 2020, les puissances émergentes de 2000 sont plus souvent qualifiées de menaces, mais dans des champs de conflictualités nouveaux : espace, cyber, économiques, technologiques. Les confrontations futures seront multiformes sans qu’il soit possible de prédire celles qui seront privilégiées, mais la guerre elle-même est en mutation. Le modèle occidental, devenu excessivement capitaliste et matérialiste est attaqué tant de l’extérieur, terrorisme islamiste, que de l’intérieur, Brexit, Gilets jaunes. La Chine continue de déployer sa stratégie pour développer un nouveau modèle de substitution au modèle occidental, capitaliste et libérale, qui par son expansion excessive « … a entraîné des tensions dans les relations internationales et épuisé sa force stratégique (1) ». L’Europe, plus que jamais, peine à s’unir pour peser.
En 2020, le CEDN souhaite apporter sa contribution par la réflexion stratégique sur ces grandes mutations. Les grands dossiers de la RDN porteront dans les prochains mois sur l’avenir de la guerre, les opérations dans l’Espace, nouvelles zones de conflictualité, l’avenir de la dissuasion, la France et le lien transatlantique. En novembre, nous profiterons du 10e anniveraire du traité de Lancaster House pour faire le point sur l’état de la relation de défense franco-britannique et de l’impact du Brexit sur son avenir. Bien évidemment, l’objectif de ces réflexions est avant tout d’éclairer nos décideurs afin de leur permettre de construire et consolider l’outil de défense dont la France a besoin. Or, quarante ans après le discours d’Yvon Bourges, l’évidence que nos Armées ont besoin de personnel compétent, motivé, entraîné et confiant dans leurs chefs et leurs dirigeants, pour servir des équipements toujours plus complexes pour « le succès des armes de la France », s’impose à nous. Les défis humains que doivent relever nos Armées sont majeurs pour l’avenir de notre outil de défense, il concerne la Nation tout entière. Des solutions nouvelles doivent être trouvées car l’innovation n’est pas que technologique, elle est aussi culturelle et organisationnelle. C’est pour cette raison que la RDN a souhaité s’associer au ministère des Armées, à l’occasion des événements proposés par La Fabrique Défense, objet de ce numéro.
Je souhaite à tous nos lecteurs, une très belle année 2020, ce qui ne veut pas dire une année facile. Mais je formule le vœu que les soubresauts intérieurs comme extérieurs que nous vivons et qui nous inquiètent, contribuent enfin à faire prendre en compte que notre capital le plus précieux est l’Homme dans son entièreté. ♦