L’analyse de la chaîne de commandement contre Daech montre un haut degré de confiance et de subsidiarité entre le stratégique et l’opératif. Cela évite le micro-management tactique par l’échelon supérieur et permet, dès lors, à chaque acteur d’être plus efficace dans sa relation hiérarchique de commandement.
Délégation et confiance, clés du succès militaire contre Daech au Levant
Delegation and Trust: Keys to Military Success Against Daesh in the Levant
Analysis of the command chain in the fight against Daesh shows a high degree of trust and delegation between strategic and operational levels. Thus micro-management of the tactical level by the higher echelon was avoided, and as a result each player had the freedom to be more effective at his particular hierarchical level.
Dans un précédent article de la Revue Défense Nationale (janvier 2019, n° 816), j’évoquais le rôle décisif de la composante aérienne dans le succès d’une opération interarmées, à partir de mon expérience au Levant de juillet 2016 à juillet 2017, dans le combat contre Daech. J’insistais alors sur la qualité et la nature de la relation entre le commandant de la force interarmées (Comanfor) et le commandant de sa composante aérienne. Ce lien, pour être efficace, ne peut pas se réduire à une relation de décideur à exécutant. Dans le cadre de l’opération Inherent Resolve (OIR), elle était de nature supported-supporting (1), avec ce qu’elle oblige d’échanges le plus en amont possible, dès la conception par le Comanfor de la manœuvre interarmées globale. Il est une autre relation, tout aussi importante, qui exige le même degré de confiance et de subsidiarité, celle qui lie le commandant stratégique et le Comanfor, autorité de niveau opératif. À l’heure où des réflexions doctrinales en France envisagent l’écrasement des niveaux stratégique, opératif et tactique, où la notion même de niveau opératif demeure mal comprise, voire contestée, l’exemple de la chaîne de commandement de l’OIR mérite d’être étudié, et les militaires français de s’en inspirer.
Pour l’OIR, les chefs militaires américains ont écarté toute velléité de confondre les niveaux stratégique, opératif et tactique, que leur technologie leur permettrait pourtant. Grâce à un nombre très élevé de capteurs et des systèmes d’information et de communication (SIC) redondants, aux débits et bandes passantes sans équivalents dans le monde, ils ont la capacité d’afficher une situation tactique en temps réel dans l’état-major du United States Central Command (USCENTCOM) à Tampa en Floride (niveau stratégique), voire sur le bureau du Président, à Washington, avec le risque de céder aux travers du micromanagement. Au contraire, ils ont fait le choix de conserver ces trois niveaux d’autorité, tout en déléguant au plus bas niveau possible les responsabilités, afin de libérer les initiatives et les énergies, pour une manœuvre plus agile et plus agressive. Ce choix est sans doute l’une des clés du succès militaire de l’OIR. Cette répartition des responsabilités et des rôles, qui est parfois mal appliquée en France, a montré toute sa pertinence, dès lors qu’elle est admise, comprise et assumée par tous.
Au niveau stratégique, le General Joseph L. Votel, était le commandant de l’USCENTCOM, l’un des dix Unified Combatant Commands (COCOM), dépendant directement du département de la Défense des États-Unis d’Amérique. L’USCENTCOM est responsable des opérations militaires américaines au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud. Son aire de responsabilité s’étend donc de l’Égypte à l’Afghanistan. Il assurait ainsi la haute direction de la guerre contre Daech au Levant. C’est lui qui avait remis, le 21 août 2016, le commandement de la Combined Joint Task Force (COM CJTF, équivalent de Comanfor) de l’OIR au Lieutenant-General Stephen J. Townsend.
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