L’année 2019 a confirmé un monde sans boussole, où la multipolarité n’est pas facteur de stabilité. Bien au contraire, avec le retour de la puissance et du rapport de force. D’où l’intérêt des différents décryptages.
Parmi les livres : un monde sans boussole ? (1/10)
Book Choice: a World Without Direction?(1/10)
The year 2019 saw a world that had lost direction, one in which multi-polarity was no longer a stability factor. Indeed, the very opposite was seen with the return of power and force ratios. Therein lies the interest of different analyses.
Sans tomber dans le fétichisme des dates et anniversaires, force est de constater que cette année 2019, avec son chiffre 9, aura vu défiler des événements marquants qui doivent nous inciter à la réflexion et à l’action, avec un regard sur le passé * : conférence de la paix clôturée par la signature du Traité de Versailles le 28 juin 1919 ; crise économique mondiale, qui a fait irruption un jeudi noir d’octobre 1929 ; déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le 1er septembre 1939, dont le souvenir s’estompe, mais dont bien des conséquences géopolitiques persistent ; question des Kouriles qui ont empêché la signature d’un traité de paix entre la Russie et le Japon, malgré les efforts déployés par Shinzo Abe ; réticence de Tokyo et de Berlin à faire usage de leur force militaire ; blessures mémorielles en Europe et en Asie ; signature du pacte de l’Atlantique Nord le 4 avril 1949, ayant donné naissance à l’alliance de sécurité la plus longue de l’histoire moderne, qui a célébré son 70e anniversaire à Londres les 3 et 4 décembre ; soubresauts de l’année 1979 dont les secousses sont toujours vivaces ; révolution islamique en Iran ; intervention soviétique en Afghanistan ; prise d’otages à la Grande Mosquée de La Mecque ; et pour clôturer cette série marquante, le 9 novembre 1989 la chute du mur de Berlin avec l’émancipation des pays de l’Est européen – série d’événements qui ont ouvert une nouvelle ère, celle de la globalisation, avec ses promesses et sa série de déceptions et de défis. En tout cas, on fut loin de la « fin de l’histoire » !
En cet automne 2019, l’actualité internationale s’est encore emballée, à la suite de l’attaque de drones et de missiles de croisière perpétrée le 14 septembre en Arabie saoudite (1), qui s’est ajoutée à une série d’incidents révélant l’ampleur du schisme qui sépare les deux rives du golfe Arabo-Persique. Puis l’opération turque dénommée « Source de paix » contre les forces kurdes de l’YPG (milice kurde syrienne des Unités de protection du peuple) dans la région autonome du Rojava située dans le nord-est syrien, à la suite du retrait des forces spéciales américaines, ne manquera pas d’avoir de sérieuses conséquences politiques et humanitaires. Il existe désormais un potentiel de quatre crises simultanées au Moyen-Orient, avec la guerre civile syrienne, les émeutes en Irak, le bras de fer américano-iranien et la guerre au Yémen, pays en passe de devenir le plus pauvre du monde.
Autre préoccupation majeure pour la France, l’aggravation de la situation au Sahel, où le tiers du Burkina Faso est désormais aux mains des djihadistes. Les morts s’accumulent au Mali, où la France a perdu 13 de ses hommes (2). À cette série de crises géopolitiques s’ajoute la guerre commerciale mettant aux prises les États-Unis à ses principaux partenaires (UE et Chine) sur fond de ralentissement économique mondial. Dans ces conditions, la diplomatie très personnelle de Donald Trump n’a guère été couronnée de succès, ni en Afghanistan, en Irak et en Syrie, sans parler du dossier nucléaire nord-coréen. Également, les impasses constatées à l’égard de l’Iran et du Venezuela ou des pourparlers engagés par Washington avec les taliban, qui se sont enlisés au cours de l’été, faisant entrer l’engagement américain en Afghanistan – réduit à 8 400 hommes depuis 2016 – dans sa dix-huitième année. Tout cela se déroule sur fond de révolte des masses contre les systèmes en place de Santiago à Beyrouth, d’Alger à Bagdad, ou Téhéran. Partout on proteste contre les inégalités croissantes, la corruption généralisée, l’enfermement dans des systèmes, confessionnels, claniques, l’incurie des politiques.
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