Le lien social est fragilisé par l’hubris individuel au détriment du vivre ensemble. Les innovations et le progrès doivent être mis au service de l’Humain et non l’inverse, d’où le besoin de réfléchir sur la notion de progrès. Et donc de reprendre la main pour un futur souhaité et non imposé.
Retrouver du sens dans l’innovation pour servir le progrès
The Search for Innovation in the Service of Progress
Selfishness is weakening our social structure to the detriment of the common good. Innovation and progress must serve man, and not the reverse. From this comes the need to reflect on the notion of progress thence to take charge and drive towards a future that we would wish to see, and not one that is imposed upon us.
À une époque où le lien social est de plus en plus fragilisé, que l’hubris passe désormais au détriment de l’intelligence collective et que l’individualisme, ce « sentiment qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse » pour reprendre Alexis de Tocqueville, se développe au préjudice de la société, il est urgent de retrouver le commun dans des îlots d’humanités : des espaces où tout un chacun partage des valeurs et traditions communes. « Un autre monde est possible, mais il est dans celui-ci », disait déjà le poète Éluard.
Gardienne de l’unité nationale, l’armée peut être citée en exemple. En effet, les différences et les inégalités y sont gommées au profit d’un seul et même but : la défense de la Mère-patrie. Cela s’inscrit dans la longue tradition française du rôle social des armées, puissant intégrateur dans la mesure où elle permet de donner un cadre à celles et ceux qui en ont besoin. La nature même de la structure militaire fait son efficacité pour apprendre à des jeunes filles et garçons qu’il faut se lever le matin, entretenir son corps, respecter un horaire et appliquer des règles de vie en communauté.
Ceux qui portent l’uniforme ne doivent pourtant pas avoir le monopole de ce rôle social. Bien des professeurs, des formateurs ou des entrepreneurs le rappellent d’ailleurs, jour après jour, par la transmission de leurs savoirs et de leur savoir-faire.
Dans une époque de profondes mutations, où les aspects de nos vies professionnelles et personnelles sont régis dans l’instantanéité et l’immédiateté, il est question d’allier sereinement la supra-vitesse exigée d’une société qui vit à toute allure avec la qualité humaine de nos organisations.
Ainsi, ne serait-il pas le moment de travailler sur l’émotionnel et l’intuition en assumant sereinement et sans complexe l’authenticité de notre condition humaine dans le but d’appréhender et anticiper efficacement ces mutations ?
La France est réputée pour sa philosophie et son esprit critique et a été la première au niveau de l’innovation humaniste, au niveau du progrès. C’est à ce niveau-là qu’il faut débattre de ces questions. Où en est-on ? Qu’attend-on de la technologie ? Les questions de progrès et d’innovation sont sur le devant de la scène, car la technologie fait aujourd’hui partie intégrante de nos vies, mais il est temps de remettre de façon posée ces deux notions inscrites dans le marbre de notre civilisation.
Une autre solution est possible. Elle doit être de nous recentrer sur notre humanité, et cela dans une démarche collective et collaborative. Il est primordial de retravailler notre leadership personnel en nous étoffant de l’intérieur, en gagnant en confiance et en travaillant sur notre liberté psychique, gage sans pareil de créativité. Cela doit se faire par l’équilibre et l’harmonie du cœur et de la raison.
Il faut rebâtir des territoires de confiance, en dédramatisant nos existences, en décomplexant nos individualités, et en travaillant sur cette fameuse notion de progrès, où l’innovation pour tous et partagé par tous mise sur l’égalité des chances par une totale hybridation des cultures.
Travailler sur la durabilité du progrès et admettre l’énorme potentiel créatif et social des innovations de ruptures semble majeur. Car, loin de court-circuiter tout ce qui contribue à élaborer la civilisation, l’innovation de rupture est au contraire constitutive de cette civilisation.
L’innovation technologique conditionne aujourd’hui, pour une grande part, la souveraineté et l’autonomie stratégique de notre pays. L’investissement de long terme dans l’innovation, notamment de défense, permet à la base technologique et industrielle française de maintenir des compétences académiques et des savoir-faire industriels stratégiques. Il s’agit également d’un facteur de compétitivité et donc de pérennité non négligeable. Dans ce contexte, il paraît nécessaire de poursuivre un véritable effort d’investissement en R&D, mais également soutenir l’innovation civile et l’écosystème des start-ups pour saisir les opportunités d’intégration rapide de nouvelles technologies à forte valeur ajoutée. Les outils numériques très performants sont déjà là. Force est cependant de constater qu’ils restent exploités très en deçà de leur potentialité. Il faut maintenant nous attacher à estimer toutes les possibilités qu’offre la révolution numérique en cours dans un contexte d’évolution extrêmement rapide.
Il est également important de rappeler que les nouveaux outils de la disruption peuvent être profondément sociaux. C’est là que s’invente et se crée le monde de demain. La redéfinition des fondamentaux du progrès humain doit se parer d’une vision Human Centric, c’est-à-dire au profit d’un développement humain durable par l’intermédiaire de nos intelligences croisées et solidaires, mais également par l’interdisciplinarité et la transversalité. En d’autres mots : partir de l’humain au service de l’humain.
Les priorités doivent être stratégiques et non tactiques, et se déployer sur quatre grands axes : amélioration de la condition humaine, amélioration de la communication entre les humains, amélioration de la vie dans la cité, amélioration de la relation avec la nature.
C’est ici précisément que la science et la technologie doivent agir comme vecteur de progrès au service de l’humain, et non le contraire, avec des technologies parfaitement maîtrisées et profondément éthiques.
Le chemin est encore long, mais rappelons-nous qu’au XIXe siècle le progrès était valorisé, car il prenait tout son sens dans le quotidien et l’immédiateté – réduction du temps de travail, amélioration du pouvoir d’achat, la santé, les loisirs…
L’innovation technologique connaît aujourd’hui une amélioration continue et constante, mais, en même temps, cette innovation, dont la vocation originelle est d’apporter des outils pour améliorer la condition humaine, ne crée plus les conditions du progrès qu’elle devait pourtant accompagner.
L’innovation technologique doit donc être en mesure de composer l’horizon d’un progrès humain global, désirable et vivable. La responsabilité nous revient alors de fixer nos propres limites selon nos valeurs et nos finalités. Autrement dit, il nous revient la noble tâche de faire d’une découverte scientifique ou technique un progrès véritable.
Il apparaît alors d’autant plus important de réinsérer les nouvelles technologies dans leur contexte socio-économique, de questionner l’idéologie dont elles sont porteuses afin de reprendre la main sur le futur désirable. ♦