Ce texte découle d'une communication faite en septembre dernier lors d'un colloque organisé par le Secrétariat général de la défense nationale (SGDN) et rassemblant des universitaires intéressés par les problèmes de défense.
De quelques aspects politiques des négociations SALT
Les aspects proprement techniques et stratégiques des négociations SALT ont donné lieu à une abondante littérature (1). Les conséquences politiques de ces négociations, leur insertion dans l’ensemble des relations Est-Ouest ont également attiré l’attention (2). Mais nous voudrions analyser ici l’hypothèse suivant laquelle les SALT et l’Arms Control en général ne relèveraient pas en priorité du désarmement et de la stratégie mais d’abord de la politique. Depuis une vingtaine d’années ils constituent en effet, selon nous, un élément essentiel de la politique extérieure des États-Unis comme de l’Union Soviétique. On peut se demander si leur contenu militaire n’est pas subordonné à leur valeur politique.
Que l’on nous permette tout d’abord un rappel sémantique : le mot anglais control n’est pas synonyme du français « contrôle » mais a une signification beaucoup plus forte ; il s’agit en fait d’une véritable maîtrise, d’une domination. En l’occurrence, c’est la maîtrise des armes nucléaires par la politique qui est visée. Il n’est donc pas simplement question de compter des armes, de vérifier le respect de certaines interdictions, etc., mais de quelque chose de beaucoup plus ambitieux, qui évoque une nécessaire transformation du système des relations internationales à l’ère nucléaire. C’est ainsi que l’expression d’Arms Control est comprise par le public américain ou de langue anglaise en général. C’est d’ailleurs pour ce public une notion déjà ancienne : il est important de se rappeler que, durant l’entre-deux-guerres, le désarmement a rencontré des échos enthousiastes, quasi mystiques, en Angleterre et aux États-Unis, dont même le pacifisme français des années 30 ne peut donner l’idée. Nous conserverons donc dans cette étude l’expression anglaise, car nous pensons qu’il s’agit d’un concept politique et d’un horizon psychologique qui n’ont pas vraiment leur équivalent en France.
Il est évident que le désarmement nucléaire avait été évoqué bien avant le début des SALT : on pense par exemple au plan Baruch de 1946, ou même au moratoire des expériences nucléaires de 1958 à 1961. Mais les SALT, dialogue privilégié entre les États-Unis et l’Union Soviétique, ne commencent vraiment qu’à partir de 1962 : c’est à cette époque que se met en place le faisceau caractéristique des négociations bilatérales permanentes, des procédures de consultation en cas de crise, et pour finir des différents accords de limitation des armements stratégiques. C’est en 1962 que Kennedy créa l’Arms Control and Disarmament Agency, dont le rôle allait être essentiel, et dont le titre n’est pas redondant mais signifie justement que l’Arms Control est autre chose que le classique désarmement.
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