Edmond Pâris et l’art naval - Des pirogues aux cuirassés
C’est un ouvrage de très grande qualité que nous offre Géraldine Barron, diplômée de l’École nationale des Chartes et titulaire d’un doctorat d’histoire contemporaine. Edmond Pâris est un marin exceptionnel et atypique, sa vie est une invitation au voyage. Dans la première partie de sa carrière, il enchaîne trois longues campagnes de circumnavigation, avec Dumont d’Urville puis Laplace. De retour en métropole, il participe activement à l’intégration de la machine sur les navires mixtes. Il commande plus d’une dizaine de bâtiments à vapeur, dont le Fleurus pendant la guerre de Crimée, puis le vaisseau Algésiras de Dupuy de Lôme. Il invente le métier nouveau de « mécanicien naval ». On lui doit aussi le concept de « système navire », qui veut « faire accepter le bateau comme objet d’étude dans toutes ses dimensions » techniques et humaines. Il met en place des commissions mixtes de construction, d’armement et d’essais qui préfigurent exactement les dispositions encore en vigueur aujourd’hui.
Infatigable, Pâris se multiplie sur tous les fronts techniques, il est omniprésent et produit un nombre considérable d’écrits et ouvrages de toutes sortes, le plus souvent agrémentés de plans, dessins ou aquarelles de sa main, qui lui vaudront une Médaille lors de l’Exposition universelle de 1855. Élu à l’Académie des sciences en 1864, à la Société de géographie en 1964, au Bureau des longitudes en 1865, il quitte le service actif en 1871 pour prendre aussitôt la direction du musée de Marine au Louvre. Il lui donne une impulsion très ambitieuse, dans tous les domaines maritimes au sens le plus large. Il siège à l’Académie et est encore présent au musée quelques jours avant sa mort en 1893.
L’ouvrage de Géraldine Barron se concentre sur le volet technique de cette longue vie au service des navires et des marins. Elle porte un regard inédit et novateur sur la biographie intellectuelle du marin-savant, circumnavigateur disciple des Lumières devenu académicien dans un temps où la technique mécanique révolutionnait l’art de la navigation.
Imprégné de science naturaliste et d’Encyclopédie dès son initiation sur L’Astrolabe par Dumont d’Urville, qui s’interrogeait sur le peuplement du Pacifique, le jeune aspirant Pâris avait eu la conviction que les fameuses « pirogues » dont il admirait les performances inédites, étaient à la fois une réponse à cette question et une manifestation éclatante du génie humain au travers de l’art naval. Toute sa vie, il a joué le rôle de « passeur », fondamentalement expérimental et humain dans son approche, même si l’objet de ses recherches était essentiellement technique. Le premier, Pâris a compris et exprimé avec force qu’un navire était un « système sociotechnique particulièrement complexe ». C’est ce que Géraldine Barron nous explique dans son remarquable livre, particulièrement bien écrit, construit et étayé. ♦